LA PRISE EN CHARGE des cancers colo-rectaux métastatiques a connu d'importants progrès thérapeutiques au cours de la dernière décennie. La survie médiane est passée de 12 mois en 1995 sous traitement par 5-FU et acide folinique à 25 à 30 mois aujourd'hui grâce à un plus grand choix de médicaments (chimiothérapies et thérapies ciblées) et à une optimisation des stratégies médico-chirurgicales.
En réalité, les taux de survie et la stratégie thérapeutique varient beaucoup en fonction du stade de la maladie métastatique et du caractère résécable ou non des métastases.
Des techniques de métastasectomie de plus en plus performantes.
Chez les patients dont les métastases sont d'emblée considérées comme résécables (environ 20 % des cas), le taux de guérison est, selon les études, de 25 à 40 %. Le traitement combine chirurgie et chimiothérapie.
Il n'existe actuellement pas de standard précisant la meilleure chronologie de la chimiothérapie par rapport à la chirurgie. Cependant, une étude récente, menée sous l'égide de l'EORTC, a montré une amélioration de 8 % du taux de survie sans rechute chez des patients ayant reçu six cycles de chimiothérapie néoadjuvante par FOLFOX4 (5-FU, acide folinique et oxaliplatine), suivie de six cycles de chimiothérapie adjuvante par FOLFOX4.
Des progrès importants ont également été réalisés dans le domaine chirurgical, repoussant les limites des métastasectomies. Les embolisations artérielles hépatiques préopératoires permettent d'hypertrophier le foie sain afin de respecter le seuil minimal de 30 % de parenchyme restant après hépatectomie. De même, la radiofréquence devient une aide importante à la chirurgie soit en s'y substituant, soit en s'y combinant, quand les métastases ne sont pas opérables pour des raisons anatomiques.
En cas de lésions potentiellement résécables, la décision chirurgicale ne se prend qu'après une première ligne de chimiothérapie visant à réduire la taille des métastases. Ces patients, qui représentent environ de 20 à 30 % des cas, ont beaucoup bénéficié des progrès de la chimiothérapie, et sont de plus en plus nombreux à pouvoir être opérés. La trithérapie par 5-FU-oxaliplatine-CPT11 a montré une légère supériorité par rapport aux bithérapies (5-FU-oxaliplatine ou 5-FU-CPT11). L'adjonction de cétuximab, anticorps anti-EGFR, à une chimiothérapie de première ligne a également montré une amélioration modeste du taux de résection des métastases, critère d'évaluation secondaire de l'étude. Cependant, l'indication des anticorps monoclonaux dans cette catégorie de patients est encore en cours d'évaluation.
Optimisation des protocoles de chimiothérapie associés aux anticorps monoclonaux.
Les patients non résécables représentent ceux pour lesquels la possibilité d'une résection des métastases ne peut être envisagée, même en cas de bonne réponse, en raison de la diffusion des lésions. La frontière entre cette catégorie et la précédente est parfois difficile à définir, mais la différence de stratégie thérapeutique est pourtant importante, le choix des traitements s'inscrivant alors plus dans la durée et la tolérabilité.
Si la base de toutes les chimiothérapies reste les fluoropyrimidines, les protocoles ont beaucoup progressé ces dernières années.
Les schémas américains, avec 5-FU en bolus, ont été détrônés au profit du schéma de de Gramont LV5-FU2, comportant une perfusion continue et des bolus conjugués de 5-FU. Puis sont arrivées les fluoropyrimidines orales (capécitabine, UFT) qui ont une efficacité similaire au LV5-FU2, mais apportent une souplesse d'utilisation. Dans les années 2000, l'adjonction d'oxaliplatine et d'irinotécan a permis un nouveau gain de survie. Dans la première étude de phase III menée par l'équipe du Pr de Gramont évaluant deux lignes de traitement, la médiane de survie a atteint, pour la première fois, 20 mois. Toutes ces avancées permettent un grand panel de choix pour les traitements de première et deuxième ligne. Les cancérologues ont également appris à mieux employer l'oxaliplatine. En limitant son utilisation à six cycles en première ligne, on diminue la survenue de neuropathies tout en gardant la possibilité de le reprendre plus tard (essai Optimox 1). Des phases d'arrêt complet de toutes chimiothérapies ont, de même, été comparées à une chimiothérapie d'entretien par fluoropyrimidines, avec des résultats globalement délétères ; mais elles sont cependant envisageables pour certains patients répondant à des critères précis.
Les anticorps monoclonaux : une innovation importante.
Enfin, la dernière avancée thérapeutique importante réside dans l'arrivée des thérapies ciblées. En 2004, le bévacizumab, un anticorps anti-VEGF, montrait son efficacité en termes de survie globale et de survie sans progression (PFS), en première ligne de traitement, en association avec une chimiothérapie à base d'irinotécan et de 5-FU. L'intérêt de son emploi en deuxième ligne a pu être démontré par la suite et, actuellement, des essais étudient son utilisation au long cours. Ce traitement prolonge le temps de contrôle de la maladie, en association avec la chimiothérapie, mais il ne semble pas améliorer les taux de réponse lorsque le schéma de chimiothérapie est optimal.
Contrairement aux antiangiogéniques, les anticorps anti-EGFR ont été commercialisés initialement pour une utilisation en troisième ligne. Ils augmentent le taux de réponse et la survie sans progression, d'autant plus qu'ils sont associés aux CPT11. Leur utilisation versus « best supportive care » améliore plus modestement la survie globale (cétuximab) et la PFS (panitumumab). Des essais étudiant leur utilisation en première et deuxième ligne de traitement ont également montré un allongement significatif, mais modéré, de la PFS. Si ces derniers travaux permettent leur utilisation à des phases plus précoces de la maladie, il n'est pas démontré que cela soit préférable à leur utilisation en troisième ligne. La question de leur place optimale dans la stratégie thérapeutique reste posée.
Un facteur prédictif de réponse aux anti-EGFR.
Cependant, le bénéfice de ces molécules n'est pas identique pour chaque patient. On sait désormais que la présence d'une mutation de l'oncogène K-ras au niveau des cellules tumorales, présente chez 40 % des patients, est un facteur pronostique de non-réponse aux anti-EGFR. Le panitumumab est le premier traitement à en tenir compte dans le libellé de son AMM, alors même que ce test n'est pas encore commercialisé. À la lumière de cette connaissance nouvelle, c'est toute la stratégie d'utilisation des anti-EGFR qu'il faut désormais réévaluer, et notamment leur utilisation en première et deuxième ligne et chez les patients potentiellement résécables. Prendre en compte le statut K-ras dans les futures études (cf. les récentes données de l'étude Crystal présentées à l'Asco 2008, page 10) permettra vraisemblablement d'obtenir des résultats plus probants que ceux obtenus jusqu'à présent.
D'après un entretien avec le Pr Thierry André, service d'hépato-gastro-entérologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, GERCOR (groupe multidisciplinaire de recherche en cancérologie), fondation ARCAD (Aide et recherche en cancérologie digestive).
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