DE NOTRE CORRESPONDANTE
ENTRE 1950 ET 1985, le tribut payé à la route est comparable aux pertes subies par la France pendant la Seconde Guerre mondiale. La route a de tout temps été violente : on peut imaginer que les voies romaines, à leur époque, provoquaient leur lot d'accidents. Mais l'explosion du trafic et la puissance croissante des voitures ont fait basculer l'accidentologie dans des traumatismes beaucoup plus violents, entraînant souvent la mort.
Après l'hécatombe des années 1990, les pouvoirs publics ont fait de la sécurité routière une priorité nationale. Contrôles d'alcoolémie, limitations de vitesse, instauration du permis à point, sanctions pénales plus fortes. La batterie de mesures mises en place par les gouvernements successifs a permis d'infléchir les courbes de manière significative. Même si la France reste mauvais élève, ses chiffres s'améliorent d'année en année.
En matière d'investigations, en revanche, les moyens déployés sont très insuffisants, déplorent les spécialistes de médecine légale, qui réclament davantage d'autopsies sur les victimes de la route. Réunis à Lille à l'initiative du Pr Didier Gosset, directeur de l'Institut de médecine légale de Lille, pour une journée d'étude consacrée à « L'accidentologie et la médecine légale », ces professionnels réclament des investigations plus poussées lors des accidents mortels, afin de progresser dans l'accidentologie.
Aux Etats-Unis, une autopsie est systématiquement pratiquée après chaque accident mortel de la circulation. En France, on contrôle tout au plus la présence d'alcool ou de stupéfiants dans l'organisme. Les autopsies demeurent très rares : d'après une étude réalisée dans l'agglomération lilloise entre 2001 et 2004, sur 674 autopsies pratiquées durant cette période, moins de dix concernaient des accidents de la circulation.
La scène du crime.
Dans bien des cas, seule l'autopsie peut pourtant déterminer avec précision les causes de la mort et expliquer les circonstances de l'accident. A partir des lésions internes, les médecins légistes déterminent la nature du choc - lésions de décélération ou lésions d'écrasement sur un piéton renversé, par exemple -, la vitesse du choc et la lésion qui a été fatale : des indications qui peuvent avoir des incidences sur l'indemnisation ou les suites légales.
Par ignorance, les différents professionnels intervenant sur les routes effacent les traces de l'accident : chaussée nettoyée, panneau remplacé par la DDE sitôt après l'accident..., les médecins légistes sont privés d'indices. Certains souhaiteraient que la chaussée soit transformée en « scène de crime » pour mener à bien les investigations.
Derrière des considérations assez techniques, c'est en fait toute la sécurité des usagers qui est en jeu. En améliorant le recueil des données, les spécialistes espèrent définir des mécanismes lésionnels et établir des corrélations entre certaines situations et la gravité des blessures. Ce qui permettrait d'agir en amont pour préserver des vies humaines.
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