UN MECANISME auto-immun pourrait être impliqué dans la pathogenèse de la narcolepsie. Les résultats d'une étude préliminaire australienne suggèrent en effet qu'il existe des autoanticorps fonctionnels chez les patients narcoleptiques. La nature exacte de leur cible biologique reste cependant à préciser.
La narcolepsie est associée à une perte sélective des neurones hypothalamiques à hypocrétine (un neuropeptide également connu sous le nom d'orexine). Ces neurones sont distribués dans de nombreuses régions cérébrales où ils participent à la régulation du sommeil et de l'éveil, à l'équilibre énergétique et à la fonction neuroendocrine. Chez la majorité des patients atteints de narcolepsie avec cataplexie, la concentration en hypocrétine mesurée dans le liquide céphalo-rachidien est tellement faible qu'elle devient indécelable.
Une hypersensibilité cholinergique.
L'altération de la neurotransmission cholinergique pourrait également jouer un rôle majeur dans la narcolepsie. Une hypersensibilité cholinergique centrale a en effet été associée à la cataplexie chez les chiens narcoleptiques. En outre, la voie cholinergique ascendante contribue de manière importante au maintien de l'éveil et de la vigilance. Les symptômes de la narcolepsie pourraient donc être causés par un déficit numérique en neurones à hypocrétine se projetant sur les noyaux cholinergiques du tronc cérébral et du prosencéphale basal.
Par ailleurs, il a été établi que la maladie est fortement associée à la présence de l'allèle HLA DQB1*0602.
L'ensemble de ces informations suggère que la narcolepsie pourrait être une maladie auto-immune, due à des autoanticorps qui s'attaqueraient aux neurones à hypocrétine de l'hypothalamus. Cette hypothèse est renforcée par le fait que, chez le chien, les traitements immunosuppresseurs retardent l'apparition de la narcolepsie et réduisent la sévérité de ses symptômes. Cependant, les techniques immunologiques classiques n'ont jamais permis d'isoler des anticorps responsables de la narcolepsie.
Smith et coll. ont donc décidé d'utiliser une stratégie alternative originale pour rechercher ces autoanticorps. Cette stratégie se fonde sur un transfert passif d'anticorps de l'homme à la souris, puis sur l'analyse de l'effet de ce transfert sur la réponse contractile des muscles lisses lors d'une stimulation cholinergique. Dans un tel système, la présence d'autoanticorps devrait conduire à une altération des fonctions cholinergiques de la souris.
Des bandelettes de détrusor.
Les chercheurs ont utilisé des IgG isolés à partir du sang de 18 sujets, 9 narcoleptiques et 9 témoins sains. Chaque échantillon a été injecté à deux souris. Deux jours après l'injection, les animaux ont été sacrifiés de manière à permettre le prélèvement de bandelettes de détrusor. Ces bandelettes ont été soumises à des stimulations cholinergiques. La réponse contractile des bandelettes provenant des animaux qui ont reçu les IgG de patients narcoleptiques a été comparée à celle des bandelettes prélevées aux animaux ayant reçu les IgG des témoins. Il est alors apparu que les IgG des patients narcoleptiques augmentent significativement la réponse contractile à une stimulation cholinergique.
Ce résultat suggère que les IgG des patients comprennent un anticorps qui agit sur une cible non identifiée de l'organisme et conduit ainsi à une altération de la réponse cholinergique. Et cet anticorps pourrait bien être le fameux autoanticorps à l'origine de la narcolepsie.
Il est maintenant nécessaire de poursuivre ce travail en étudiant l'activité des anticorps d'une plus grande cohorte de patients narcoleptiques. Il sera notamment intéressant de comparer l'activité des IgG des patients porteurs de l'allèle HLA DQB1*0602 à celle des IgG isolés à partir de patients porteurs d'un autre allèle HLA. Smith et coll. souhaitent, en outre, affiner leur méthode expérimentale de manière à pouvoir identifier la cible de l'hypothétique autoanticorps associé à la narcolepsie.
A. Smith et coll., « The Lancet » du 11 décembre 2004, pp. 2122-2124.
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