UN GRAND PAS vient d'être accompli, par des chercheurs américains (Durham), dans les traitements par pontage artériels. Ils ont réussi à « faire pousser » des vaisseaux à partir de cellules prélevées chez des patients âgés. Il faut se souvenir que, avec l'âge, le stock de vaisseaux disponibles à usage de greffon diminue et qu'une greffe autologue est toujours préférable pour éviter le risque de rejet du greffon. La difficulté à surmonter, explique Laura Niklason, qui a dirigé les travaux, est de « fabriquer des vaisseaux solides à partir de cellules prélevées chez des donneurs âgés atteints d'une pathologie vasculaire ».
Les chercheurs ont pris comme hypothèse de départ que le premier obstacle, avec ces cellules âgées, est leur espérance de vie limitée. La proximité de l'échéance fatale, pour ces cellules, est conditionnée par le raccourcissement des télomères. Ils s'érodent au fur et à mesure des multiplications cellulaires jusqu'à entraîner la mort cellulaire.
L'équipe a eu recours à la génétique pour contourner la difficulté. Ces chercheurs avaient déjà cloné la sous-unité hTERT (Human Telomerase Reverse Transcriptase) de la télomérase, qui bloque le raccourcissement des télomères. De quoi rendre les cellules immortelles. Et, voici deux ans, un test avait été réalisé sur des cellules musculaires lisses dans lesquelles le gène hTERT avait été introduit.
Faire exprimer le gène hTERT.
Dans l'article paru dans le « Lancet », les chercheurs rapportent le travail qu'ils viennent de mener sur des fragments de saphène prélevés, chez 5 patients (47-74 ans), après un pontage coronarien. Les cellules musculaires lisses et endothéliales ont été prélevées. Elles ont été mises en culture, dans un milieu spécifique destiné à leur faire exprimer le gène hTERT, pour 4 patients. Celles du cinquième ont servi de témoin.
Pour obtenir les artères souhaitées, l'équipe a façonné des tubes dans une fine feuille de polymère biodégradable. Puis les cellules modifiées ont été disposées sur cette matrice, une solution nutritive baignant les ensembles dans des conditions pulsatiles proches de la physiologie.
Avec la prolifération cellulaire, la matrice s'est progressivement éliminée. Les scientifiques ont achevé leur test en ajoutant alors les cellules endothéliales. Les vaisseaux se sont développés pendant sept semaines.
Pour ressemblant qu'ils soient à des artères, ces vaisseaux n'étaient pas susceptibles d'accomplir leur tâche. Ils n'étaient pas assez résistants, essentiellement par manque de matrice collagène. Mais la voie est ouverte. Elle pourrait déboucher sur des greffons réellement utilisables dans cinq à dix ans.
Il reste, en effet, de nombreux problèmes à résoudre, outre celui de la solidité. Transfecter un gène de la multiplication indéfinie à des cellules représente un danger, puisqu'il s'agit aussi d'un des principes de la tumorigenèse. Ce risque n'existe pas a priori, selon les Américains. Une autre complication connue est celle de l'hyperplasie intimale conduisant à la resténose. Aussi un équilibre entre croissance musculaire lisse et endothélialisation doit-il être trouvé. La dernière inconnue, enfin, est le remodelage de ces artères de culture après implantation.
« Lancet », vol. 365, 18 juin 2005, pp 2068-2069 (éditorial) et 2122-2124.
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