L'ODEUR du goudron fera bientôt partie du passé. Nous entrons dans l'ère aseptisée de la high-tech que représentent les biotechnologies. L'arrivée des thérapies biologiques marque un tournant important dans le traitement du psoriasis. Ces nouveaux médicaments appelés immunomodulateurs ont pour ambition d'agir plus finement.
Quelques explications sont nécessaires pour comprendre leur mode d'action.
On considère actuellement que le psoriasis est une maladie auto-immune. Sa physiopathologie ressemble à une réaction cutanée d'hypersensibilité retardée dont l'antigène (ou les antigènes) cible(s) de l'épiderme reste(nt) à découvrir.
Deux anomalies majeures vont contribuer à la formation d'une plaque de psoriasis. On constate d'abord une inflammation cutanée dans le derme et l'épiderme où sont impliquées de nombreuses cellules inflammatoires, dont les lymphocytes. Survient ensuite une prolifération anormale des kératinocytes associée à un trouble de la différenciation de ces cellules et une hyperkératose dont les squames sont la traduction clinique.
Les lymphocytes que l'on trouve dans la peau sont des lymphocytes mémoires qui ont été en contact avec un antigène. Ils ont acquis des propriétés et une expression des récepteurs en surface qui leur permet de quitter l'endothélium et de remonter les tissus. Ils reviennent dans la peau à l'occasion d'un événement soit inconnu, soit infectieux ou encore lors d'une agression physique (phénomène de Koëbner). Ils vont sécréter des cytokines de type 1 (interféron gamma) auxquelles vont s'ajouter des chimiokines produites par d'autres cellules du derme et de l'épiderme, en particulier le TNF alpha et l'interleukine 8 qui contribuent à la formation de l'infiltration inflammatoire. D'autres médiateurs vont générer une prolifération kératinocytaire d'où l'apparition de signes histologiques puis des signes cliniques (érythème, troubles de la kératinisation, apparition de squames).
Efalizumab.
L'efalizumab (Raptiva) est un anticorps monoclonal humain recombinant qui bloque de façon sélective et réversible l'activation et la circulation des lymphocytes T.
Il est indiqué chez les adultes atteints d'un psoriasis en plaques, modéré à sévère, résistant ou intolérant ou ayant une contre-indication aux traitements systémiques tels que la ciclosporine, le méthotrexate ou la PUVAthérapie. Le bénéfice à trois mois de ce traitement biologique est connu. Et lorsqu'il est prolongé à six mois, non seulement son bénéfice ne s'épuise pas mais près de la moitié des patients qui, à trois mois, ont un score PASI 50 (Psoriasis Area and Severity Index) (50 % des lésions blanchies) obtiennent un PASI 75. Tout aussi positifs sont les résultats d'une étude nord-américaine conduite en ouvert avec des patients traités trois ans en continu, par efalizumab. On observe chez les trois quarts des patients toujours sous traitement un blanchiment prolongé des lésions (PASI 75) avec pour 40 % d'entre eux, un PASI 90.
Etanercept.
L'étanercept (Enbrel) bloque le TNF alpha, cytokine produite notamment par les cellules dendritiques, les lymphocytes et les kératinocytes.
Il a les mêmes indications que l'efalizumab. On le prescrit plus volontiers au patients ayant une atteinte articulaire associée. En revanche, on optera pour l'autre traitement en cas d'antécédent de tuberculose.
Les deux essais cliniques randomisés, études pivotales de l'enregistrement de l'étanercept, ont montré que la moitié des patients présente une amélioration d'au moins 75 % de leurs lésions (PASI 75). Ce bénéfice apprécié à la 12e semaine a été obtenu sous 100 mg par semaine en deux injections sous-cutanées. Il est sensible dès la deuxième semaine et se poursuit au-delà de trois mois avec un gain additionnel pendant trois mois supplémentaires. Pour son efficacité et sa sécurité d'emploi, Enbrel a reçu une ASMR de niveau III chez des patients atteints de psoriasis sévère, c'est-à-dire une atteinte d'au moins 30 % de leur surface corporelle ou un retentissement psycho-social important et présentant un échec, une intolérance ou une contre-indication à au moins deux traitements systémiques. Ce sont d'ailleurs ces critères qui ont été retenus dans les indications d'Enbrel.
Infliximab.
L'infliximab (Remicade), anticorps anti-TNF alpha déjà prescrit dans la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante et le rhumatisme psoriasique, a désormais une extension d'AMM dans le psoriasis en plaques dans les mêmes indications que les biothérapies précédentes. Son efficacité a été évaluée au cours de deux études multicentriques randomisées, en double aveugle contre placebo : EXPRESS et SPIRIT. Dans ces deux essais, les patients avaient un psoriasis en plaques supérieur à 10 % de la surface corporelle. Le critère principal était une amélioration de 75 % de leur PASI. Dans l'étude SPIRIT (évaluation du traitement d'induction), 71,7 % des patients avaient obtenu cette amélioration à la 10e semaine dans le groupe 3 mg/kg, 87,9 % dans le groupe 5 mg/kg contre 5,9 % dans le groupe placebo (p < 0,001). EXPRESS a évalué l'efficacité du traitement d'induction et d'entretien de cette molécule. La réponse au traitement était rapide et durable avec un PASI 75 pour 60,5 % des patients.
Médicaments d'exception.
Ces deux biothérapies ont également en commun d'être administrables par voie injectable. Ce sont des médicaments d'exception. Leur prescription initiale est hospitalière mais leur renouvellement peut-être fait par un spécialiste de ville.
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