LE TEMPS DE LA MEDECINE
Depuis des millénaires, l'homme utilise les substances aromatiques pour se protéger et soigner les malades. Les civilisations anciennes, et en particulier les Egyptiens, considéraient le parfum comme l'âme de la plante, le résultat d'une alchimie entre les forces de la Terre et celles du Ciel. Pour eux, l'arôme pouvait entrer en résonance avec le monde subtil de la psyché humaine. Plus tard, Montaigne écrira : « Les médecins pourraient tirer des odeurs plus d'usage qu'ils ne le font, car j'ai souvent aperçu qu'elles me changent et agissent en mes esprits suivant ce qu'elles sont. »
Aujourd'hui, les vertus antiseptiques et anti-infectieuses des huiles essentielles sont reconnues et d'autres travaux tendent à montrer que certaines auraient des effets sur l'humeur et la cognition. Une étude parue en janvier 2003 dans « International Journal of Neuroscience » a conclu que les propriétés olfactives des huiles essentielles de romarin et de lavande avaient, chez des adultes en bonne santé, un effet sur le processus d'apprentissage (mémoire et attention), mais également sur l'humeur. Placés dans une cabine diffusant soit de la lavande, soit du romarin, soit aucune odeur, 144 sujets divisés en 3 groupes ont subi un certains nombre de tests. Le romarin a un effet plutôt stimulant, contrairement à la lavande qui diminue la mémoire de travail et l'attention. Le premier augmente la vigilance alors que la seconde la diminue. Leur effet, comparé à celui du groupe témoin, est plutôt bénéfique sur l'humeur.
Leur mode d'action n'est pas tout à fait connu. Ce sont des substances odorantes et volatiles qui pénètrent facilement à travers la peau et les muqueuses pour atteindre les capillaires sanguins. Leur composition est complexe. Les huiles essentielles sont formées d'un mélange de terpènes, d'aldéhydes, de cétones, de phénols, d'esters, d'acides et d'alcools... L'analyse de leurs composants peut donner une indication sur leurs propriétés ou action physiologique. Ainsi, les aromates (girofle, thym, sarriette, cannelle), dont l'action dans l'alimentation est connue depuis toujours, surtout dans les pays tropicaux : on sait aujourd'hui qu'ils sont riches en aldéhydes et en phénols qui ont de puissantes propriétés antiseptiques.
Attention aux huiles frelatées
Cependant, les propriétés des substances aromatiques ne se résument pas à leur constituant principal. Les propriétés antiseptiques de l'eucalyptus, par exemple, sont beaucoup plus puissantes que celles de l'eucalyptol seul.
On leur reconnaît également des effets diurétiques, antalgiques et des actions sur le système endocrinien.
Les huiles essentielles s'utilisent en inhalation, par voie locale (en compresse, en friction ou dans un bain) ou encore par voie générale, pures ou diluées (en gouttes ou à la cuillère).
Les spécialistes mettent en garde contre l'usage d'huiles frelatées. Sécrétions naturelles des végétaux, les huiles essentielles sont contenues dans différentes parties de la plante (calice, tige, écorce) et doivent être obtenues soit par distillation à la vapeur dans un alambic, soit par expression directe du végétal (girofle), soit par incision (laurier de la Guyane, camphre liquide de Bornéo). L'incidence du biotope (il existe des « crus » d'huiles essentielles et, selon leur provenance, les effets peuvent différer), des procédés d'extraction délicats et de la quantité de plantes nécessaires à leur obtention (il faut parfois plus de 200 kg de plantes pour obtenir 1 kg d'huile essentielle) en font des produits complexes et chers dont la qualité n'est pas toujours certaine. Cela limite l'usage strictement médical puisque les doses ne peuvent être parfaitement codifiées.
Enfin, même si l'aromathérapie a la réputation d'être une médecine naturelle et « douce », elle doit être utilisée avec précaution, en raison de ses éventuels effets toxiques. Les ouvriers chargés de manipuler la vanille, par exemple, sont sujets à des accidents connus sous le nom de « vanillisme » : éruptions cutanées et muqueuses, céphalées intenses, hallucinations et angoisse, troubles intestinaux, fortes ménorragies chez la femme. Les essences de sauge, de romarin, d'hysope peuvent devenir, à faibles doses, épileptogènes chez certains sujets. La thuyone, un des principaux composants de l'essence d'absinthe, est aussi connue pour ses effets sur le système nerveux central. Plus anecdotique, le parfum d'un bouquet de violettes produit une congestion des cordes vocales ; c'est la terreur des cours de chant.
L'art des odeurs
En cosmétologie, l'étude de l'effet des parfums sur le corps et sur l'esprit s'appelle désormais l'aromachologie (ou aromacologie). Elle recherche la façon d'utiliser les senteurs et les fragrances dans la vie quotidienne pour promouvoir la relaxation, la détente et le bien-être. Par exemple, dans une pièce, un parfum boisé agréable suscite une meilleure qualité du travail : les erreurs diminuent et la tâche devient plus plaisante. Au Japon, l'utilisation du pouvoir des odeurs sur nos émotions et nos sens est une tradition ancienne qui se retrouve dans l'art de brûler l'encens. Ce peut être un support de méditation et de prière, mais c'est aussi un art de vivre quand il est utilisé pour parfumer la maison, recevoir un invité ou susciter un état d'esprit particulier.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature