DES CHERCHEURS de l'université du Texas ont identifié une stratégie qui pourrait permettre de diminuer significativement les doses d'agents antitumoraux nécessaires aux traitements des cancers humains. En inhibant l'activité de certains gènes de cellules tumorales à l'aide d'ARN interférents, Whitehurst et coll. sont parvenus à augmenter d'un facteur 1 000 à 10 000 la sensibilité au paclitaxel de cellules tumorales en culture.
Si ce phénomène est bien reproductible in vivo dans l'organisme humain, l'utilisation des ARN interférents découverts par l'équipe américaine pourrait permettre la mise au point de protocoles de chimiothérapie. Ils utiliseraient des doses de paclitaxel très faibles, suffisantes, pour éliminer les cellules tumorales sensibilisées, mais dont les effets secondaires seraient drastiquement réduits.
Une lignée de cellules en culture.
C'est à l'issue d'une stratégie de criblage systématique conduite à très grande échelle que Whitehurst et coll. ont identifié la série d'ARN interférents capables de sensibiliser les cellules cancéreuses au paclitaxel. Les chercheurs ont testé l'effet des 84 508 ARN interférents d'une banque couvrant la totalité du génome humain (soit environ quatre ARN par gène) sur une lignée de cellules en culture dérivant de tumeurs pulmonaires non à petites cellules. Les cellules ont été mises en présence des ARN interférents inhibant l'expression d'un gène donné. Elles ont ensuite été exposées à des doses variables de paclitaxel. Deux jours plus tard, les chercheurs ont comparé la survie de ces cellules à celle de cellules identiques exposées uniquement aux ARN interférents ou au paclitaxel.
Plus de 120 000 expériences plus tard, cette fastidieuse méthode de travail a permis à l'équipe scientifique de dresser une liste de 87 ARN interférents qui augmentent la sensibilité des cellules tumorales au paclitaxel d'un facteur au moins égal à 1 000 et pouvant atteindre 10 000. Ces ARN interférents peuvent être classés en six familles en fonction du rôle du gène dont on bloque l'expression. Ils altèrent la synthèse de protéines : du protéasome, du système des microtubules, de la machinerie de modification posttraductionnelle des protéines, du système d'adhésion cellulaire, de voies de signalisation cellulaire ou encore celle d'antigènes associés aux cellules cancéreuses.
Whitehurst et coll. ont poursuivi leur étude en utilisant seulement douze ARN interférents ciblant six gènes, un pour chacune des familles de gènes précédemment identifiées. Ils ont testé l'effet des petites molécules inhibitrices sur la sensibilisation de différents types de cellules au paclitaxel et sur des cellules de cancers pulmonaires non à petites cellules, celle de plusieurs substances utilisées en chimiothérapie.
La première série d'expériences leur a permis de démontrer que l'effet sensibilisateur des ARN interférents peut être retrouvé dans d'autres lignées cellulaires tumorales que celles utilisées au début de l'étude. Il est, en outre, apparu que ces molécules n'ont pas d'effet notable sur la viabilité des cellules saines.
La seconde série d'expériences indique que les ARN interférents mis en évidence au cours de cette étude sensibilisent les cellules tumorales au paclitaxel, de manière spécifique. Certes, certains des ARN testés augmentent légèrement la sensibilité des cellules à la vinorelbine, mais pas assez pour qu'un effet antitumoral cliniquement acceptable puisse être obtenu avec une dose réduite de substance chimiothérapique. Par ailleurs, aucune sensibilisation des cellules à la gemcitabine n'a pu être obtenue avec les ARN interférents retenus pour ces expériences. Cependant, tout porte à croire que des ARN interférents permettant de sensibiliser les cellules tumorales à chacune des molécules anticancer classiquement utilisées doivent exister. Reste maintenant à les identifier.
D'ici là, des essais visant à évaluer le bénéfice clinique apporté in vivo par la découverte de Whitehurst et coll. devraient être mis en place, chez l'animal, pour commencer.
Whitehurst AW et coll. « Nature » du 12 avril 2007, pp. 815-819.
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