Prévention de la Dmla

Des arguments en faveur des apports nutritionnels

Publié le 01/02/2006
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PAR LE Dr ERIC SOUIED*

LES ETUDES cliniques et épidémiologiques ont permis la caractérisation de facteurs environnementaux liés à la dégénérescence maculaire liée à l’âge (Dmla). Le tabagisme est le facteur de prédisposition le plus constamment retrouvé, avec un risque relatif compris entre 3 et 6. Celui-ci ne rejoint la normale qu’après 20 années d’arrêt et, même si l’on se doit de recommander de s’abstenir de fumer, le sevrage ne représente pas une stratégie préventive dans une population où la moyenne d’âge est de 73 ans. En revanche, plusieurs publications internationales constituent un faisceau de preuves sur le rôle de la nutrition dans la Dmla. On peut distinguer trois axes de prévention de la Dmla par cet intermédiaire : les vitamines à doses antioxydantes, la lutéine et l’acide docosahexaénoïque (DHA).

Les vitamines antioxydantes.

On sait qu’une faible consommation de fruits et de légumes augmente le risque de dégénérescence maculaire. Récemment, une étude prospective, portant plus de 100 000 individus suivis plus de dix ans, a montré que les sujets mangeant au moins trois fruits par jour ont un risque de Dmla néovasculaire 35 % plus faible que celui des individus consommant 1,5 fruit par jour ou moins. Le rôle protecteur des vitamines et du zinc à doses antioxydantes a été confirmé par le groupe de travail de l’Areds qui a mené une étude interventionelle prospective randomisée multicentrique (11 sites aux Etats-Unis). Au total, 3 557 patients âgés de 55 à 80 ans ont été inclus et suivis pendant en moyenne 6,3 ans. Ils ont été répartis de façon aléatoire en quatre groupes de traitement : placebo, vitamines C + E + bêta-carotène (antioxydants), zinc, antioxydants et zinc. Les vitamines étaient prescrites à doses antioxydantes, dépassant de loin les apports journaliers recommandés (AJR) : vitamine C 500 mg (AJR : 60 mg), vitamine E 268 mg (AJR : 10 mg). Cette étude prospective a ainsi montré une diminution de 25 % du risque de progression de la Dmla dans le groupe recevant à la fois du zinc et des antioxydants, chez les sujets présentant des drusen de taille intermédiaire ou des grands drusen, ou une Dmla avancée au niveau du « premier oeil ».

La lutéine.

La lutéine et la zéaxanthine sont les seuls caroténoïdes, parmi les huit cents existants, qui soient présents quasiment exclusivement et à haute concentration dans la macula. Ils constituent le pigment xanthophylle maculaire. La consommation de lutéine et de zéaxanthine pourrait avoir un effet protecteur contre la survenue de la Dmla, avec une diminution du risque de 43 % chez les plus grands consommateurs de caroténoïdes. Le pigment xanthophylle maculaire a un rôle double de protection du stress oxydatif de la rétine et de l’épithélium pigmentaire par un effet antioxydant et par un effet mécanique de filtre. Une étude prospective interventionnelle fondée sur une supplémentation en lutéine en double insu a été menée pendant une période de douze mois. Baptisée LAST (Lutein Antioxidant Supplementation Trial), elle a analysé trois groupes de 30 patients atteints de Dmla de forme atrophique, qui ont été traités par lutéine, lutéine plus antioxydants ou placebo. Une nette augmentation de la densité optique du pigment maculaire et une amélioration de la sensibilité aux contrastes ont été observées dans les deux groupes traités par lutéine. Le nombre de patients est limité, mais cette première étude pourrait servir de point de départ pour recommander une consommation ou une supplémentation en lutéine dans la Dmla atrophique.

Le DHA.

Six études épidémiologiques indépendantes ont démontré ces cinq dernières années que la consommation d’acides gras saturés est directement corrélée avec la prévalence de la Dmla, alors que la consommation d’acides gras polyinsaturés de type oméga 3 est inversement corrélée avec l’apparition de la maladie. La réduction du risque est comprise entre 30 et 50 % selon les études et semble concerner particulièrement la Dmla exsudative. Les acides gras oméga 3, et particulièrement le DHA, ont un triple rôle au niveau de la rétine :

– un rôle structurel, car il constitue l’acide gras polyinsaturé principal au niveau des membranes des disques des segments externes des photorécepteurs ;

– un rôle fonctionnel majeur dans les toutes premières étapes de la phototransduction, se liant à la métarhodopsine pour assurer son activation ;

– et un rôle protecteur contre le vieillissement rétinien, avec une activité antiapoptotique, anti-ischémique et anti-inflammatoire.

En conclusion, nous pouvons tracer les lignes de recommandations pour la prévention de la Dmla : ne pas fumer, réduire la consommation d’acides gras saturés et végétaux, mais aussi exercer une activité physique régulière, augmenter sa consommation en fruits, légumes verts et poisson gras. Dans la population âgée, qui a souvent plus de difficulté à changer ses habitudes alimentaires, reste la possibilité de recommander une supplémentation alimentaire.

* Service du Pr Soubrane, hôpital intercommunal de Créteil.

SOUIED Eric

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7890