L'incidence des troubles du rythme - bradycardies nocturnes et/ou tachycardies paroxystiques - est majorée chez les sujets souffrant d'apnées du sommeil. Ces dysrythmies pourraient jouer un rôle aggravant de la symptomatologie en raison d'un effet direct sur le tonus vagal. Or ces deux types de troubles peuvent être prévenus par la mise en place de pacemarkers. C'est pour cette raison qu'une équipe de cardiologues, de pneumologues et de spécialistes du sommeil de l'hôpital du Haut-Levêque (Bordeaux) a cherché à savoir si le fait d'appareiller des patients qui souffrent de troubles du sommeil et du rythme pouvait diminuer l'incidence des apnées du sommeil, des ronflements, de la somnolence diurne et des réveils nocturnes.
Au cours de la période d'étude, 152 pacemakers atrio-ventriculaires ont été posés chez des sujets atteints de bradycardie sinusale symptomatique, dont 47 chez des personnes souffrant de troubles pouvant être apparentés à des apnées du sommeil. Un examen polysomnographique a été pratiqué chez 26 d'entre eux mettant en évidence chez 15 malades un SAS - défini par un index d'apnées/hypopnées supérieur à 5. Ces 11 hommes et 4 femmes, âgés en moyenne de 69 ans, présentaient un SAS soit d'origine obstructive (n = 7), soit d'origine centrale (n = 8). Un second examen polysomnographique a été pratiqué dans les conditions réelles de fonctionnement du pacemaker (rythme nocturne supérieur de 15 pulsations/min au rythme sinusal de base). Les investigateurs ont procédé à une analyse comparative de la durée totale et du nombre d'épisodes d'apnées du sommeil entre les deux enregistrements.
En moyenne, le rythme sinusal de base des sujets appareillés était de 57 pulsations par minute et le rythme nocturne moyen du pacemaker utilisé était donc de 72. Spontanément, la durée moyenne du sommeil était de 321 ±49 min, contre 331 ±46 min en conditions de stimulation. L'index d'hypopnées (défini par le quotient entre le nombre total d'épisodes et la durée du sommeil) est passé de 9 ± 4 à 3 ± 3 sous stimulation (p < 0,001) et celui d'apnées et d'hypopnées de 28 ± 22 à 11 ± 14 (p < 0,001).
Apnées obstructives ou centrales
« Curieusement, l'amélioration de la symptomatologie a été détectée que les apnées soient d'origine obstructive ou centrale », note le Dr Garrigues. Or si la stimulation peut agir de façon directe sur le tonus vagal qui accompagne la bradycardie (apnées d'origine centrale), le mécanisme d'action du pacemaker sur les apnées d'origines obstructives - liées à la présence d'une quantité excessive de tissus mous (voile du palais ou base de langue) ou à une hypotonie des muscles pharyngés au cours du sommeil - reste encore inconnu.
« Le pacemaker utilisé dans cette étude est un modèle à deux chambres préprogrammé. La nuit précédant le second enregistrement, nous avons dû procéder à un réglage manuel de la fréquence cardiaque à une valeur supérieure de 15 aux mesures nocturnes enregistrées précédemment », explique au « Quotidien » le Dr Garrigues. Il est en effet impossible actuellement de programmer un stimulateur selon deux modes distincts : sentinelle de jour et préprogrammé la nuit. Mais un matériel de ce type devrait être disponible dans les prochaines années.
L'étude publiée par l'équipe française est la première de ce type. Les investigateurs procèdent actuellement à un recueil multicentrique afin de disposer de données sur un plus grand nombre de patients et à une répétition des nuits sous stimulation préprogrammée pour mesurer l'effet de ce type de prise en charge sur différents paramètres, tels que la tension artérielle et les pressions cardiaques. Si ces nouvelles études confirment les premiers résultats, la mise en place de pacemaker chez les sujets souffrant d'apnée du sommeil et présentant des bradycardies pourrait devenir systématique et représenter une alternative au traitement par CPAP (pression continue positive) qui, on le sait, reste très mal acceptée par les patients et leur entourage.
« New England Journal of Medicine », vol. 346, n° 9, 7 février 2002, pp. 390 et 404-411.
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