COMMENT OBTENIR une importante quantité d’anticorps ou de toute autre protéine humaine d’intérêt thérapeutique en quelques jours à peine, tout en s’affranchissant des risques de contamination par des micro-organismes susceptibles d’infecter l’homme ? En utilisant la machinerie de biosynthèse protéique des plantes et le protocole que vient de mettre au point une équipe de chercheurs allemands.
La possibilité de faire produire des protéines humaines complexes d’intérêt thérapeutique par des plantes est étudiée depuis maintenant plus de quinze ans. De nombreux protocoles de transgenèse ont été développés avec succès. Mais, dans l’ensemble, ils ne permettent pas d’obtenir des rendements de production satisfaisants. La production d’hétéro-oligomères (protéines composées de différentes sous-unités) est particulièrement peu efficace et très longue à mettre en place : le développement de plantes transgéniques capables de produire un anticorps humain nécessite généralement au moins deux ans et ne permet d’obtenir qu’entre 1 et 40 µg de protéines par gramme de biomasse fraîche.
Des systèmes plus rapides à mettre en place, ne se fondant pas sur l’insertion du transgène d’intérêt dans le génome végétal, mais sur l’utilisation d’un système viral d’expression transitoire, ont également été développés. Malheureusement, ces systèmes ne sont pas adaptés à la production d’hétéro-oligomères : les vecteurs viraux d’expression ne permettent en effet pas la synthèse efficace de protéines trop longues ou, qui plus est, de plusieurs sous-unités protéiques.
Plusieurs vecteurs viraux utilisés conjointement.
Pour contourner ce problème, Giritch et coll. ont décidé d’utiliser conjointement plusieurs vecteurs viraux, exprimant chacun une des sous-unités d’un hétéro-oligomère. Une expérience préliminaire a montré que cette stratégie ne peut fonctionner si les différents vecteurs utilisés dérivent du même virus : dans une telle situation, un phénomène de compétition intervirus intervient et la réplication des différents virus (et donc l’expression des différents transgènes) n’est observée que dans 4 ou 5 % des cellules infectées. Giritch et coll. ont alors eu l’idée de raffiner leur première approche en utilisant des vecteurs viraux distincts (non compétitifs) pour exprimer chacune des sous-unités de la protéine à produire. L’efficacité de cette stratégie innovante a été testée dans un système visant à faire produire une IgG humaine par des plants de tabac. Les chercheurs ont utilisé un vecteur dérivant du virus de la mosaïque du tabac (TMV) et un autre dérivant d’un virus de la pomme de terre (PVX) pour exprimer, d’une part, la chaîne légère et, d’autre part, la chaîne lourde de l’anticorps.
En quelques jours, synthèse de quantités importantes.
Cette méthode s’est révélée extrêmement efficace : les deux vecteurs sont coexprimés dans plus de 80 % des cellules infectées et conduisent en quelques jours à la synthèse d’importantes quantités d’immunoglobulines humaines actives. Selon les expériences, les quantités de protéines obtenues vont de 200 à 500 µg par gramme de feuilles fraîches.
Les chercheurs ont, en outre, démontré que leur système est quasi universel puisqu’il leur a permis de produire six autres hétéro-oligomères humains. Ce système pourrait donc théoriquement permettre la production de n’importe quelle protéine thérapeutique.
Giritch A et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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