De notre correspondante
à New York
« Nous avons réussi à définir un épitope immunologique spécifique du prion pathologique », indique au « Quotidien » le Dr Neil Cashman, qui a mené ces travaux à l'université de Toronto (Canada). « C'est la première fois que quelqu'un prend une approche systématique conduite par hypothèse pour définir un épitope structurel. » Selon le Dr Cashman, ces anticorps pourraient être utilisés « dans des tests diagnostiques dans environ un an, et dans des protocoles d'immunothérapies-vaccin dans environ deux ans ».
On sait que les maladies à prions constituent un groupe de maladies neurodégénératives, caractérisées par une perte de neurones cérébraux, des modifications spongiformes, une accumulation de cellules gliales et des dépôts de protéine amyloïde anormale. Ces maladies comprennent, entre autres, la scrapie chez les moutons, l'encéphalopathie bovine spongiforme (ESB) ou maladie de la vache folle et, chez l'homme, le kuru, la maladie de Creutzfeldt-Jakob classique, et le nouveau variant de Creutzfeldt-Jakob.
On suppose actuellement que ces maladies sont causées par le mauvais pliage, pathologique, d'une protéine prion cellulaire (PrPC), donnant une isoforme associée à la maladie (PrPSc).
L'équipe du Dr Cashman est partie de l'hypothèse suivante : le mauvais pliage de la protéine prion devrait exposer à la surface de la molécule des chaînes latérales d'acides aminés qui sont normalement cachées à l'environnement. Ainsi, la protéine prion pathologique (PrPSc) devrait posséder des épitopes structurels spécifiques.
Partant de cette hypothèse, les chercheurs ont voulu savoir quelles chaînes latérales de la protéine prion pourraient être ainsi exposées par le mauvais pliage. Une protéine prion recombinante a été soumise à un traitement à faible pH ; cela induit un changement de sa structure, avec augmentation des feuillets bêta, favorise son agrégation, et simule ainsi à peu près la conversion de la protéine prion normale (PrPC) en forme pathologique (PrPSc).
Ce changement de conformation de la protéine prion, ont découvert les chercheurs, est associé à une exposition des chaînes latérales tyrosine. Or la majorité des acides aminés tyrosine dans le domaine structuré de la protéine prion apparaissent en paires (Tyr-Tyr) chez tous les animaux et l'homme. Et deux paires de tyrosine sont trouvées avec une arginine (chez l'homme, séquence d'acides aminés : 149-151 et 162-164).
Des lapins immunisés par Tyr-Tyr-Arg
Pour fabriquer des anticorps contre le motif Tyr-Tyr-Arg, les chercheurs ont immunisé des lapins avec la chaîne peptidique Tyr-Tyr-Arg, et ont recueilli les anticorps IgG. Conformément à leur hypothèse, les chercheurs ont constaté que ces anticorps anti-Tyr-Tyr-Arg reconnaissent spécifiquement la forme pathologique de la protéine prion (PrPSc), trouvée dans les diverses maladies à prions de la souris, du mouton, du bovin et de l'homme, mais ne reconnaissent pas la forme normale de la protéine prion.
L'équipe envisage plusieurs répercussions cliniques de cette découverte. Ces anticorps anti-Tyr-Tyr-Arg pourraient être à la base d'un meilleur test diagnostique. Ces anticorps reconnaissent non seulement la protéine prion (PrP) résistante à la protéase (ce que font la plupart des tests diagnostiques actuels), mais aussi la PrP « mal pliée » mais sensible à la protéase, qui est caractéristique de l'infection précoce et de la transmission interespèce.
« L'épitope Tyr-Tyr-Arg, spécifique du prion associé à la maladie, pourrait se révéler utile en immunothérapie ou en immunoprophylaxie des maladies à prions », notent les chercheurs. « Il est concevable que des anticorps circulants anti-Tyr-Tyr-Arg puissent bloquer la neuro-invasion du prion, en neutralisant ou en opsonisant les prions intestinaux ou lymphoïdes durant la phase d'incubation périphérique de ces maladies. »
« Nature Medicine » du 1er juin 2003, http://www.nature.com/naturemedicine, DOI : 10.1038/nm883.
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