Des mutations de novo dans 10 % des cas

Des anomalies génétiques détectées dans la schizophrénie sporadique

Publié le 02/06/2008
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De notre correspondante

«NOUS CONNAISSONS maintenant la cause d'environ 10% des cas de schizophrénie sporadique, explique dans un communiqué le Dr Maria Karayiorgou, psychiatre au Columbia University Medical Center de New York, qui a dirigé cette étude. La schizophrénie n'est plus autant la grosse boîte noire qu'elle était. L'identification de ces gènes nous apprend comment les voies de développement cérébral sont impliquées dans la survenue de la maladie, de telle sorte que, à l'avenir, nous pourrons explorer de meilleures approches pour traiter cette maladie dévastatrice.»

«Cela pourrait aussi expliquer pourquoi la maladie s'est dérobée aux efforts visant à impliquer des variants géniques ayant des effets majeurs, ajoute-t-elle, et pourquoi la maladie semble défier la sélection naturelle en persistant dans la population, alors que relativement peu de sujets schizophrènes ont des enfants.»

La schizophrénie affecte environ 1 % de la population. Tandis que 40 % des cas sont transmis au sein de familles (forme familiale), 60 % des cas de schizophrénie surviennent chez des sujets sans antécédent familial de cette maladie (forme sporadique).

Une équipe de Columbia University, dirigée par le Dr Karayiorgou, a examiné si de rares mutations de novo, de type « perte » ou « gain » génomique, pourraient contribuer au risque de schizophrénie.

Des patients, des témoins et des parents.

Pour cela, ils ont analysé le génome de 1 077 personnes, incluant 152 individus affectés de schizophrénie non familiale (ou sporadique), 159 témoins non affectés de schizophrénie, et les deux parents biologiques de ces patients et témoins, en recherchant des mutations du nombre de copies.

Tous les sujets étudiés appartenaient à la population Afrikaner en Afrique du Sud, qui est d'origine européenne et génétiquement homogène.

Cette analyse a permis de découvrir des mutations (délétions ou duplications) spontanées, c'est- à-dire non retrouvées chez les parents, chez 15 des 152 schizophrènes (10 %), contre seulement 2 des 159 témoins non schizophrènes (1 %).

Ces mutations de novo germinales étaient ainsi huit fois plus fréquentes dans les cas sporadiques de schizophrénie que chez les témoins non affectés.

De plus, 3 individus schizophrènes présentaient des microdélétions d'une région du chromosome 22 (22q11.2), déjà impliquée dans la schizophrénie sporadique par le Dr Karayiorgou. Cela confirme l'importance des microdélétions au locus 22q11.2 comme la seule mutation récurrente (du nombre de copies) liée jusqu'ici à la schizophrénie.

«Nous avons déjà démontré le rôle de 22q11.2 dans la schizophrénie sporadique et nous avons fait des progrès considérables pour mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents», déclare dans un communiqué le Dr Joseph Gogos, un membre de l'équipe. «Nous avons identifié maintenant un nouveau groupe de mutations que nous pouvons étudier.»

La voie de meilleurs traitements.

«De telles délétions ou duplications anormales du matériel génétique sont de plus en plus impliquées dans l'autisme et la schizophrénie», souligne le Dr Thomas Insel, directeur du National Institute of Mental Health (NIH, États-Unis).

«Il est maintenant démontré, de façon spectaculaire, que des facteurs génétiques prédisposant à ces maladies peuvent ne pas être hérités des parents, dans le sens où ces facteurs n'étaient pas présents dans le génome des parents. Cette voie de recherche promet de meilleurs traitements, et peut-être même un jour une prévention, pour les troubles du développement cérébral», laisse-t-il entrevoir.

Xu et coll., « Nature Genetics », 30 mai 2008, DOI: 10.1038/ng.162.

> Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8383