LE TEMPS DE LA MEDECINE
COMMENT obtenir une grande quantité de protéines d'intérêt thérapeutique, rapidement et à moindre coût ? Tout simplement en piratant une des plus grosses fabriques naturelles de protéines : la glande mammaire des animaux laitiers.
Cette stratégie a d'ores et déjà conduit à la conception de chèvres transgéniques qui sécrètent jusqu'à 14 grammes d'antithrombine III humaine par litre de lait. D'autres troupeaux caprins permettent la production de tPA ou encore celle de protéines à partir desquelles on espère développer un vaccin contre le paludisme.
L'idée de détourner la machinerie de synthèse protéique des organismes vivants non humains pour fabriquer des protéines humaines n'est pas nouvelle : de l'insuline humaine recombinante produite par la bactérie Escherichia coli est commercialisée depuis le début des années 1980. Des champignons et des cellules humaines en culture dans des boîtes de Pétri sont également utilisés comme usine à médicament. Cependant, la quantité de protéines produite par ces divers systèmes est plutôt décevante. En outre, les micro-organismes sont incapables de synthétiser certaines protéines humaines trop complexes pour leur machinerie cellulaire. Il est possible d'obtenir ces protéines à partir de cellules humaines en culture, mais le coût de production est alors très élevé.
Les animaux transgéniques conçus pour sécréter des protéines humaines dans leur lait ne présentent pas ces désavantages : ils sont capables de produire pratiquement n'importe quelle protéine humaine en quantité importante et, même si la conception de l'animal fondateur d'un troupeau transgénique est longue est coûteuse, la valeur du lait qu'il permettra de recueillir amortit rapidement l'investissement de départ. C'est pourquoi certaines sociétés de biotechnologie ont décidé d'utiliser leur savoir-faire en matière de génie génétique et de transgénie pour produire des troupeaux laitiers d'un genre et d'une valeur sans précédent.
Obtenir le fondateur.
Chèvres, brebis, lapines, truies ou vaches, tous les mammifères sont des candidats potentiels à ce type de manipulation génétique. Quel que soit l'animal élu, le principe reste le même : pour obtenir un fondateur, il faut arriver à introduire le gène de la protéine humaine d'intérêt dans le génome d'une cellule œuf. Ce gène doit être accompagné de séquences régulatrices absolument essentielles à la réussite de l'expérience : grâce à ces séquences, la protéine humaine sera synthétisée en très grande quantité par les animaux (l'expression du transgène est stimulée), mais uniquement dans leur lait (le transgène est inactif en dehors des glandes mammaires). La cellule œuf modifiée ainsi produite est ensuite implantée dans l'utérus d'une mère porteuse. Les animaux obtenus transmettront le transgène intégré dans leur génome à leur descendance.
Si la chèvre est l'animal de plus fréquemment utilisé dans cette application biotechnologique, c'est parce qu'elle produit une quantité de lait relativement importante (800 litres par an) tout en atteignant sa maturité sexuelle assez rapidement : la première période de lactation survient généralement dix-huit mois après le début de l'expérience de transgenèse. En comparaison, la vache produit dix fois plus de lait que la chèvre, mais il faut au moins trois ans pour obtenir une vache transgénique prête à la lactation.
A l'Inra (UMR 1198/UE 920), des chercheurs ont préféré travailler sur le lapin. Les lapines produisent évidemment beaucoup moins de lait que les chèvres, mais leur maturation sexuelle est très rapide (elle nécessite seulement quatre mois) et leur coût d'élevage est très faible. La collaboration des chercheurs français avec une société hollandaise a notamment abouti à la conception de lapines exprimant dans leur lait une protéine humaine qui permet la survie de nouveau-nés atteints de la maladie de Pompe, l'alpha-glucosidase.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature