LE NARRATEUR a 6 ans lorsque commence ce roman qui évoque l'histoire de l'Algérie coloniale, entre 1936 et 1962. Pauvre parmi les pauvres, sa famille est chassée de son lopin de terre ancestral par le caïd local et s'entasse dans un bidonville d'Oran. Fier parmi les fiers, le père se démène pour faire vivre les siens jusqu'à ce que la misère le contraigne à confier son fils à son frère, un pharmacien parfaitement intégré à la communauté pied-noir. Younes devient Jonas, il va à l'école et de moins en moins dans le taudis où végètent sa mère et sa soeur.
Il a 9 ans lorsque son oncle, intellectuellement solidaire du Parti populaire algérien, est arrêté ; vite relâché, mais soupçonné d'avoir donné ses compagnons de conviction, celui-ci préfère s'établir à Rio Salado – El-Maleh de nos jours –, petite ville tranquille à une soixantaine de kilomètres d'Oran. Un havre de quiétude loin de la guerre qui sévit en Europe. Jonas se lie d'amitié avec trois autres jeunes colons, partage avec eux leurs rêves d'adolescents privilégiés. À peine est-il effleuré par quelques signes de rejet qui lui rappellent qu'il est arabe.
Les années passent et les drames se nouent, autour d'une jeune fille qui chavirent les coeurs de Jonas et de ses compagnons, autour aussi des premiers massacres, alors même que la planète fêtait la fin du conflit mondial, de milliers de musulmans par les services d'ordre renforcés par des colons reconvertis en miliciens.
On connaît la suite de l'Histoire, reste à découvrir l'histoire romanesque : ce qu'il va advenir des amours de Jonas, du choix de vie de Younes.
Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, fut, on le sait, officier de l'état-major algérien après avoir été enrôlé dans l'armée à l'âge de neuf ans. Il a toujours écrit en français, même lorsqu'il publiait clandestinement en Algérie sous le pseudonyme qu'il a gardé après s'être installé en France, en 2000. Il est maintenant lu dans trente-quatre pays et son oeuvre compte des titres comme « les Hirondelles de Kaboul » – qui sera porté à l'écran par le cinéma français – « L'Attentat », « les Sirènes de Bagdad », mais aussi « la Part du mort », « L'Écrivain » ou « Cousine K »…
Dans « Ce que le jour doit à la nuit », le propos de l'auteur est évident.
Meurtri par la guerre fratricide, partagé, le héros refuse de laisser détruire l'amitié pure et profonde qui l'unit à ses amis pied-noirs, de même qu'il ne peut renier son oncle et sa tante qui lui ont offert une vie meilleure. Mais aussi il refuse de renoncer aux valeurs inculquées par son père et qui font la fierté de son peuple ; parmi celles-ci, le respect de la parole donnée, même en sachant que c'est au détriment de sa vie.
La saga romanesque comme défense et illustration de la double culture franco-algérienne : une approche originale s'il en est, voire militante !
Éditions Julliard, 413 p., 20 euros.
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