> JAZZ/ROCK
FREE-JAZZ, New Thing (la nouvelle chose), Avant-garde, « Great Black Music » (la grande musique noire) : tels furent certains des qualificatifs employés il y a une quarantaine d'années pour tenter d'étiqueter une musique qui, aujourd'hui encore, fait figure d'épouvantail. Fuyant les Etats-Unis pour des raisons essentiellement politiques - la guerre du Vietnam, les droits civiques, etc. -, plusieurs acteurs du jazz libre (libertaire ?) se retrouvèrent à Paris - ou dans certaines villes européennes comme Stockholm, Copenhague, Amsterdam - où ils eurent l'occasion de graver un style musical, témoignage d'une époque de rupture. Le catalogue America/Musidisc (Universal Jazz) - tout comme BYG ou Futura - fut un point de chute pour ces jazzmen épris de liberté.
Quinze albums, extraits du label très recherché par les collectionneurs, viennent d'être réédités pour la première fois en CD digipack dans la collection Free America, permettant de retrouver des groupes et des musiciens phares ainsi que d'autres moins connus ou disparus depuis.
L'Art Ensemble of Chicago - Lester Bowie (trompette), Roscoe Mitchell (saxes, flûte, percussions), Joseph Jarman (saxes, clarinette basse), Malachi Favors (contrebasse), Don Moye (batterie), plus quelques invités comme le bluesman Chicago Beau ou la vocaliste Fontella Bass - est le groupe le plus représenté avec trois rééditions : « Certain Blacks », enregistré à Paris en février 1970 (avec Chicago Beau), « AEC with Fontella Bass » (Paris, août 1970) et « Phase One » (Paris, février 1971). Trois disques clés qui captent relativement bien en studio une musique évolutive, très expressive, faite de climats, qui trouvait sa plénitude et toute sa dimension sur scène, où les musiciens - habillés de vêtements africains et le visage peint - évoluaient au milieu d'une montagne d'instruments divers.
Autre artiste représenté, le trop rare multisaxophoniste-compositeur Anthony Braxton. Dans le premier CD, « Donna Lee » (Paris, 18 février 1972), le leader est accompagné d'un quartette avec piano pour des compositions aux titres énigmatiques (chiffres ?), alors que dans le second, « Saxophone Improvisations Series F » (Paris, 25 février 1972, double CD), Braxton s'exprime en solo absolu sur des thèmes mathématiquement dénommés. Un travail d'exploration solitaire pour initiés.
Saxophoniste-soprano de génie, Steve Lacy (1934-2004) avait aussi choisi de s'installer dans la capitale au début des années 1970. A la tête de son Quintet de l'époque - Steve Potts (saxes), Irène Aebi (violoncelle), Kent Carter (contrebasse), Noel McGhee (batterie) - et avec un complice exceptionnel, le pianiste Mal Waldron (1925-2002), il avait enregistré deux disques dans lesquels le travail de composition complexe et l'expression libre dégagée ouvraient de nouvelles voies/voix : « The Gap » (mai 1972) et « Mal Waldron With the Steve Lacy Quintet » (mai 1972).
S'il faut également mentionner quelques rééditions incontournables comme « Black Gipsy », d'Archie Shepp (novembre 1969), le duo de piano-synthétiseur Paul Bley-Annette Peacock dans « Improvise » (Rotterdam, mars 1971), le pianiste Dave Burrell à la tête de son sextette, « After Love » (Paris, 1970), le fabuleux tromboniste Roswell Rudd - avec notamment John Tchicaï (saxe-alto) - pour un album éponyme (Hiversum - février 1965), quatre disques méritent une attention particulière.
Ainsi le groupe aux sonorités rockisantes free, Emergency « Hommage to Peace » (Paris, 1970), qui comprenait par exemple Boulou Ferret (guitare), et, surtout, trois jazzmen dont le langage nouveau et inspiré s'est à jamais tu : le trompettiste Alan Shorter (1931-1987), frère de Wayne, que l'on peut réentendre sur « Tes Esat » (Paris, mars 1970), son dernier enregistrement avant une retraite anticipée ; le tromboniste militant Clifford Thornton (1936-1983), cauchemar du ministre de l'Intérieur de l'époque, Raymond Marcellin, interdit en France pour avoir participé à un concert de soutien aux prisonniers politiques du Black Panther Party en 1970, musicalement vivant grâce justement à « The Panther and the Lash » (novembre 1970) - avec une rythmique franco-américaine (François Tusque, piano, Beb Guérin, basse, Noel McGhee, batterie) ; et le paroxystique saxophoniste-ténor Frank Wright (1935-1990), dans « Uhuru Ma Umoja » (Paris, 1970).
Quand un vent de liberté musicale flottait sur Paris.
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