Quelques molécules synthétiques, des enzymes purifiés et beaucoup de savoir-faire permettraient désormais de fabriquer le virus de son choix, voir d'en inventer de nouveaux. C'est ce que sous-entend l'Américain Craig Venter, un des pionniers du séquençage du génome humain, dans un article qui paraîtra prochainement dans les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine. Cet article relate comment Venter et son équipe ont réussi à fabriquer de toutes pièces un virus parfaitement identique au bactériophage Phi-X174, capable d'infecter et de tuer des cellules bactériennes.
Cette prouesse technologique a été qualifiée de « révolutionnaire » par le gouvernement américain. Elle pourrait déboucher sur la production d'autres organismes totalement synthétiques, notamment sur celle de microbes conçus spécialement pour dégrader les substances polluantes qui contaminent notre environnement.
Dans l'article, Venter et ses collaborateurs décrivent la mise au point de la technique innovante grâce à laquelle ils ont réussi à reproduire in vitro le bactériophage Phi-X174. La technique a été baptisée PCA pour Polymerase Cycle Assembly. Elle dérive de la célèbre PCR (Polymerase Chain Reaction) qui permet de fabriquer des fragments d'ADN double-brin à partir d'une matrice d'ADN simple-brin.
Pour fabriquer leur virus, les chercheurs ont utilisé des petits morceaux d'ADN simple-brin synthétique (des oligonucléotides) dont les séquences étaient identiques à celles de régions du génome de Phi-X174. Ces oligonucléotides ont été assemblés par PCA pour produire de longues molécules d'ADN double-brin parfaitement identiques au génome complet du bactériophage. Une fois introduits dans des bactéries, les génomes viraux artificiels ainsi obtenus conduisent à la synthèse de particules virales qui ont des propriétés infectieuses et cytotoxiques parfaitement identiques à celles du bactériophage Phi-X174 naturel.
Grâce à la PCA, l'ensemble des étapes nécessaires à la fabrication du virus n'a demandé que quatorze jours. D'autres chercheurs avaient déjà réussi à produire des bactériophages synthétiques, mais leur technique était beaucoup plus longue et fastidieuse. Par ailleurs, les virus produits via ces anciennes stratégies comportaient souvent des mutations.
Le génome du bactériophage Phi-X174 est très petit puisqu'il compte à peine plus de 5 000 paires de bases (en comparaison, de nombreux agents infectieux pathogènes pour l'homme possèdent un génome 100 à 1 000 plus étendu). Venter et coll. ont choisi de valider l'efficacité de la PCA en reproduisant cet organisme extrêmement simple, mais ils ne comptent pas s'en tenir là : comme il l'avait annoncé il y a presque un an, l'ambition de Craig Venter est de « créer une nouvelle forme de vie synthétique ». Il espère y arriver en utilisant la PCA non plus pour copier la nature, mais pour « créer » des génomes inédits qui coderaient pour des organismes constituant des « sources d'énergie biologique efficaces et rentables ».
Même si rien ne paraît plus impossible au vu des progrès de la science, ce projet en laissera plus d'un sceptique.
Des Américains ont fabriqué de toutes pièces un virus
Publié le 16/11/2003
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Elodie BIET
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7426
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