PAR LE Dr CHRISTIAN BOUSTIÈRE*
LES NOUVELLES méthodes appelées à concurrencer la coloscopie (CS) doivent réunir des qualités évidentes : simplicité de réalisation, performance diagnostique, innocuité et coût modéré. Elles pourraient déjà apporter un bénéfice aux patients présentant une contre-indication temporaire ou définitive à la CS ou en cas d'examen incomplet, représentant moins de 10 % des cas (difficultés techniques ou sténoses), mais aussi aux très rares refus. On peut également envisager dans l'avenir que, parmi ces alternatives, celles présentant le meilleur rapport coût-efficacité puissent s'intégrer dans la stratégie de dépistage colique qui repose actuellement en France sur les tests fécaux.
Ainsi, la colographie virtuelle par scanner (CVS), déjà bien évaluée (2, 3), a démontré sa capacité à détecter des polypes de plus de 1 cm avec une précision diagnostique équivalente à celle de la CS, mais des performances moindres pour les lésions de moins de 6 mm. Les progrès apportés par les appa- reils multibarrettes et les nouveaux logiciels d'acquisition 3D permettent d'obtenir une imagerie de grande qualité de la lumière colique, mais aussi de l'environnement péricolique. Cependant, outre l'irradiation, un certain nombre de contraintes peuvent gêner sa réalisation : la préparation non encore standardisée avec marquage ou non des selles, l'insufflation inconfortable, voire douloureuse, rappelant pour beaucoup les désagréments du lavement baryté et, aussi, la nécessité d'un apprentissage pour le médecin examinateur.
La CVS est la seule méthode qui soit, à ce jour, préconisée dans les recommandations de l'HAS sur les indications de l'endoscopie digestive basse (4) pour pallier les échecs ou les contre-indications de la coloscopie.
La Videocapsule Pillcam Colon (VPC) est l'adaptation de la technique « small bowel capsule », avec une gélule plus grosse (32 mm), un capteur aux deux extrémités permettant d'acquérir 4 images par seconde et une durée de fonctionnement portée à 10 heures. Cette capsule présente la particularité de se mettre en pause, environ 5 minutes après l'ingestion, pendant 2 heures (occultant donc en grande partie le grêle), puis de se redéclencher automatiquement, afin de préserver l'énergie pour la visualisation du côlon. La lecture nécessite une mise à jour de la station de travail et un logiciel spécial avec un temps de lecture moyen de 40 à 60 minutes. A l'heure actuelle, deux études prospectives, effectuées selon un plan expérimental comparable (CS le même jour et lecture en double aveugle), ont été publiées, totalisant 120 patients (5, 6). Les résultats sont prometteurs, avec des valeurs prédictives moyennes de 70 à 80 % (valeur prédictive négative = 56 à 80 % et valeur prédictive positive = 69 à 100 %), avec des chiffres encore meilleurs pour les lésions de plus de 6 mm dites significatives et avec une double relecture par un expert. La préparation utilisée avait pour objectifs d'obtenir la vacuité colique et une progression rapide dans l'intestin, mais au prix d'un protocole complexe et astreignant (diète de 48 heures, PEG de 2 litres, solution « booster » de NAP et suppositoires laxatifs). Il faut noter que 10 % des patients ont été exclus de ces études, soit pour des raisons techniques, soit pour impossibilité d'avaler la capsule. Enfin, on retiendra la longue liste d'exclusion sous-tendue par le risque de blocage de la capsule (suspicion d'occlusion, sténose connue, maladie de Crohn, antécédents de radiothérapie abdominale, prise chronique d'Ains). La lenteur de progression était également fréquente avec non-élimination 10 heures après l'ingestion dans 20 à 30 % des cas.
Il faudra certainement attendre les résultats des grandes études multicentriques en cours pour pouvoir valider définitivement la technique, bien peser ses indications et prendre en compte le coût de la vidéocapsule. En attendant, il serait très imprudent de proposer cet examen à nos patients en dehors d'études contrôlées.
La troisième catégorie est représentée par les endoscopes semi-automatisés ou robotisés (Esar) que nous avons découverts sur les stands des congrès internationaux, avec quelques études pilotes portant sur un petit nombre de patients. Les principaux appareils sont Aer-O-Scope , NeoGuide et Invendo, chacun ayant ses avantages : facilité de progression ou examen réputé indolore, gaine jetable simplifiant la désinfection, imagerie assistée par ordinateur avec conduite par joystick.
Il faut plutôt considérer ces appareils comme des évolutions futures de notre coloscopie classique, à condition de ne pas régresser en termes de définition d'image ou de possibilités interventionnelles (certains n'ont pas de canal opérateur ou une image de qualité dégradée).
Toutes ces méthodes viennent donc se positionner comme des « challengers » de la CS de dépistage, sans pouvoir égaler cependant les remarquables performances des endoscopes haute définition actuels permettant la détection des petites lésions ou des lésions planes, ni prétendre évidemment à en faire le traitement. Enfin, il ne paraît pas logique de vouloir négliger de principe les polypes de moins de 6 mm en considérant l'absence de risque évolutif, alors que 5 % d'entre eux sont des adénomes avancés (7). Hur a présenté ainsi à la DDW, en 2006, une projection selon un modèle de Markov, démontrant que cette attitude multiplierait par 10 le risque de survenue de cancers à 5 ans.
Il nous faut donc rester attentifs à tout progrès permettant à la fois de simplifier et d'améliorer la détection des polypes et le dépistage du cancer colo-rectal, mais, dans l'immédiat, la coloscopie, dont les critères de qualité ont été récemment redéfinis (8), reste un examen incontournable.
* Président de la Société française d'endoscopie digestive (Sfed).
(1) Saar B, et al. Br J Radiol 2007;80(952):235-41.
(2) Pickhardt PJ, et al. N Engl J Med 2003;349:2191-2200.
(3) Cotton PB, et al. JAMA 2004;291(14):1713-9.
(4) Nouvelles recommandations sur les indications de l'endoscopie digestive basse, en dehors du dépistage dans la population. Publication HAS, RPC. Avril 2004.
(5) Eliakim R, et al. Endoscopy 2006;
38:963-970.
(6) Schoofs N, et al. Endoscopy 2006;38:971-980.
(7) Rembacken BJ, et al. Lancet 2000;355:1211-1214.
(8) Recommandations pour la pratique de l'endoscopie digestive basse. B. Napoléon et le CA de la Sfed, conférence Jfpd. Paris. Mars 2006.
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