LE GÈNE Cry1/2 du cryptochrome est un des quatre facteurs (avec Clock/NPAS2, BMAL1 et Per1/2) dont l’expression commande l’horloge circadienne au travers de la boucle de rétroaction de transcription/traduction. L’équipe de Aziz Sancar avait déjà montré que la régulation négative du cryptochrome chez des souris déficientes en p53 sensibilisait ces dernières à l’action génotoxique des rayons UV. Afin d’élucider le mécanisme sous-jacent de cet effet de la mutation de Cry, les chercheurs ont exploré la contribution d’une voie indépendante de p53, en s’intéressant à la protéine p73, un homologue de p53 qui assure la fonction de suppresseur de tumeurs pro-apoptotique en l’absence de ce dernier.
Ils ont donc comparé l’expression de p73 et la sensibilité à l’apoptose après rayonnements UV ou traitement par l’oxaliplatine, sur des cellules p53KO (soit p53-/-) et des cellules p53KO CryDKO (avec une mutation associée Cry1-/-Cry2-/-). Ils notent que la présence de la mutation du cryptochrome augmente d’un facteur 10 l’ARNm de p73 et la synthèse de cette protéine, et que cet effet est indépendant du statut p53 des cellules car il s’observe aussi bien au niveau des cellules CryDKO que des cellules p53KO CryDKO. En outre, la sensibilité accrue à l’apoptose des cellules p53KO CryDKO est notablement amoindrie lors de la régulation négative du gène p73. Autre point intéressant : l’action apoptotique est inversée en cas de régulation négative du facteur BMAL1, qui a une action opposée à Cry1/2 sur l’horloge.
Comment la perturbation de l’horloge circadienne par la mutation Cry se traduit-elle par une augmentation de la production de protéine p73 ? Une autre expérience des Américains les conduit à penser que l’expression de p73 est régulée par un gène (Egr1) contrôlé par l’horloge, d’une part, et par le facteur transcriptionnel C-EBPα, impliqué dans la différenciation cellulaire, d’autre part. L’expression accrue d’Egr1, chez les souris déficientes en Cry, associée à la libération du facteur C-EBPα (normalement attaché au promoteur de p73) sous l’action des rayons UV, se traduit par une augmentation des taux de protéine p73 et, par suite, de l’apoptose.
Des xénogreffes tumorales chez des souris.
On se rapproche davantage d’applications cliniques potentielles avec l’étape suivante des travaux américains. Des xénogreffes tumorales ont été créées chez des souris immunodéficientes par l’injection de cellules modifiées p53KO et p53KO CryDKO, administrées, respectivement, dans chacun des flancs des animaux. De l’oxaliplatine a été donnée (10 mg/kg hebdomadaires pendant trois semaines) lorsque le volume tumoral a atteint 0,1 cm3. On observe que l’antimitotique stoppe la croissance tumorale chez les souris p53KO CryDKO, mais pas chez les souris p53KO. La mesure de l’activité capsase-3 (pro-apoptotique) révèle, de surcroît, une apoptose massive au niveau des tumeurs à génotype p53KO CryDKO.
L’étude américaine amène à tirer plusieurs conclusions. En l’absence de cryptochrome, la libération du facteur C-EBPα (délié du promoteur de p73) consécutive aux lésions de l’ADN induit une régulation positive du gène p73 activée par Egr1 et une apoptose indépendante du gène p53. Concrètement, ces résultats suggèrent que dans les tumeurs à mutation p53, soit environ 50 % des cancers de l’homme, l’inhibition du cryptochrome, un des facteurs clefs de contrôle de l’horloge circadienne, est capable d’améliorer l’efficacité des chimiothérapies anti-cancéreuses à base de cisplatine.
JH Lee et A Sancar. Circadian clock disruption improves the efficacy of chemotherapy through p73-mediated apoptosis. Proc Natl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.
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