I L Y A et il y aura toujours des gens plus ou moins déprimés , « c'est ainsi, c'est leur personnalité, commente le Pr Maurice Ferreri. Quant à la dépression, dans sa forme caractéristique de changement, de rupture dans la personnalité, elle ne pose pas de difficulté diagnostique quand les deux signes fondamentaux, troubles de l'humeur et ralentissement psychomoteur, sont présents ». Les signes typiques sont bien connus. Les troubles de l'humeur se manifestent par une tristesse, une douleur morale très importante, une dévalorisation de soi et du monde qui peuvent s'accompagner éventuellement d'idées suicidaires. Le ralentissement psychomoteur se traduit par une gestuelle diminuée et des difficultés de concentration. L'insomnie, la baisse de la libido, l'anorexie, les douleurs, l'amaigrissement complètent parfois le tableau clinique. L'anxiété est presque toujours présente.
« La difficulté diagnostique, souligne M. Ferreri, apparaît lorsque les symptômes psychiques dépressifs sont discrets, voire absents. Les troubles somatiques ou anxieux peuvent être au premier plan. Un des éléments essentiels à examiner est le changement de comportement d'apparition récent, qui focalise les intérêts du patient et retentit de façon importante sur le contexte familial et professionnel. »
Le médecin généraliste connaît bien aujourd'hui les équivalents dépressifs, et un des problèmes majeurs qui peut se poser à lui est de savoir décider du moment de l'hospitalisation.
« Il existe certaines phases très difficiles dans la prise en charge d'un patient dépressif, déclare le Dr Philippe Nuss, mais certains éléments peuvent orienter. Il faut savoir qu'il existe non pas une dépression mais plusieurs maladies dépressives qui n'ont pas toutes la même gravité. Il faut donc analyser le type de l'épisode dépressif en cours et le situer dans l'histoire du patient et découvrir la rupture propre à la dépression. Autre point important devant des troubles de la personnalité : il faut faire la part entre les éléments de la personnalité propres à la personne et ceux modifiés par la dépression. Enfin, le médecin généraliste est en première ligne pour apprécier le comportement protecteur ou hostile de l'entourage. »
Parfois l'hospitalisation est systématique
Fort de cette analyse, le médecin doit systématiquement faire hospitaliser son patient dans certains cas, et notamment en cas de dépression d'intensité mélancolique, devant une symptomatologie clinique sévère, et quand le risque suicidaire est important. « A propos du risque suicidaire, précise Philippe Nuss, il faut amener le patient à en parler, en lui suggérant, par exemple, que soi-même devant une telle douleur morale, on serait amené à y songer. » L'existence d'antécédent(s) suicidaire(s), marqueur important de risque de récidive, certains aspects comme une symptomatologie délirante, une forme de dépression anxieuse, des tendances paranoïaques ou encore un alcoolisme important requièrent une évaluation sérieuse de la situation. Les patients déprimés atteints d'une maladie grave, le sujet âgé ou isolé méritent également une attention toute particulière.
Le recours au psychiatre
Dans certains cas, la dépression va nécessiter un suivi spécialisé, par exemple dans les dépressions résistantes au traitement bien conduit et les dépressions dites chroniques qui nécessitent des modèles référentiels complexes et un temps de consultation long. Certaines formes cliniques, comme les dépressions bipolaires, nécessitent habituellement au début une prise en charge spécialisée.
Quant à la psychothérapie, « il faut absolument arrêter de l'opposer à la pharmacothérapie, insiste P. Nuss . Le cerveau crée des pensées, et les pensées changent le fonctionnement du cerveau : il est à la fois biologie et pensée. C'est une fausse dialectique de vouloir opposer les deux prises en charge. Pour qu'un sujet puisse entreprendre une psychothérapie, encore faut-il qu'il ait les outils pour détecter ce qui se passe et les mots pour l'exprimer. Et puis, le patient a-t-il vraiment envie de parler de lui ou bien son orientation vers une psychothérapie relève-t-elle surtout de l'envie du médecin » ? Reste parfois à vaincre l'hostilité de la famille face à une pareille prise en charge qu'elle juge compétitive avec son affection et le non-remboursement possible des honoraires du psychothérapeute. Le patient doit, de surcroît, être capable de gérer certaines périodes de frustration engendrées par ce type de prise en charge et s'engager dans la durée. Les thérapies comportementales et cognitives sont plutôt destinées à des patients qui ont une pensée plus opératoire et à ceux qui souffrent de dépressions réactionnelles. Il existe également des thérapies simples, comme l'affirmation de soi, et des thérapies sophistiquées, fondées sur l'analyse des schémas de pensée.
Amphi parrainé par lesLlaboratoires Lundbeck, auquel participaient le Pr Maurice Ferreri et le Dr Philippe Nuss (hôpital Saint-Antoine, Paris).
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