La sémiologie de la dépression du post-partum, loin d'être caractéristique, associe de façon très variable fatigue, irritabilité, troubles de l'humeur, insomnie. Autant de signes que l'entourage familial risque d'attribuer à trop bon compte à la naissance d'un bébé très sollicitant qui épuise sa mère.
On définit la dépression comme « postnatale » celle qui survient jusqu'au retour de couches, mais, en pratique, une dépression survenant dans l'année qui suit la naissance est encore considérée comme une dépression du post-partum.
« Tout notre travail repose sur le dépistage et la prévention de ces troubles, explique le Pr Pierre Thomas (USN B, Lille), par l'étude de difficultés psychologiques repérables pendant la grossesse. » Car ils existent. L'histoire naturelle de la grossesse permet de repérer l'épisode dépressif dans le contexte de la périnatalité.
Détérioration de la qualité de la relation mère-enfant
Les dépressions postnatales ont des conséquences qui peuvent se graver de façon définitive dans la vie de la mère et de l'enfant. Elles peuvent altérer la qualité de la relation mère-enfant, le développement de l'enfant, déstabiliser la cellule familiale et, parfois, engendrer une maltraitance de l'enfant.
La fréquence des dépressions postnatales est estimée entre 10 et 20 % des accouchements. Les études menées au Royaume-Uni où cette pathologie est très repérée dans le monde médical comme dans le grand public (on a dit et écrit que la princesse Lady Diana avait eu une dépression du post-partum) n'ont pas identifié de facteur causal. Certaines femmes présentent une sensibilité accrue ; il peut s'agir dans certains cas de facteurs génétiques, mais le plus souvent, il s'agit de facteurs psychologiques, environnementaux ou transgénérationnels qui interfèrent avec l'élaboration de la relation mère-enfant. La primarité, les antécédents de fausse couche ou d'IVG apparaissent également comme facteurs de risque. Cela reste sans commune mesure avec le risque considérable de récidive d'un épisode dépressif chez une femme qui présente un trouble bipolaire.
Les consultations prénatales, lieux du dépistage des prodromes
Les moyens de dépistage mis en uvre sont relativement simples mais aussi très efficaces. Longtemps, les praticiens ont eu peur de faire des investigations sur les manifestations psychologiques qui entourent la grossesse, peur « de ne plus s'en sortir ». De ce fait, la dépression du post-partum a été longtemps sous-estimée puisque tous les symptômes, notamment la fatigue, ont été associés au surmenage, aux pleurs, aux problèmes de suites de couche, et la plainte souvent banalisée. « Tout va dans le sens de la non-expression de cette plainte. En effet, il est extrêmement difficile et culpabilisant pour une mère de confier qu'elle ne ressent pas de plaisir à s'occuper de son enfant, et que cela lui est pénible. Surtout, lorsque, à l'ensemble de ces difficultés, s'ajoute un conflit conjugal ou parental », explique le Pr Thomas.
La prévention repose essentiellement sur les entretiens menés lors des consultations de maternité, interrogeant le vécu de la grossesse. Les rendez-vous fixés avec l'obstétricien pour les échographies légales restent des moments privilégiés pour aborder les facteurs psychologiques qui entourent la grossesse. C'est un moment chargé sur le plan émotionnel qui peut générer des angoisses et des inquiétudes légitimes. S'il apparaît que ces préoccupations ou ces angoisses envahissent le psychisme et interférent avec la qualité de la vie, le sommeil, que les femmes adoptent des comportements d'évitement ou des rituels trop contraignants, il est alors nécessaire de proposer une écoute et un soutien. Les pleurs spontanés, lorsqu'ils s'accentuent au cours de l'évolution de la grossesse et s'accompagnent d'un vécu pénible, font parti des signes annonciateur d'un épisode dépressif périnatal.
Ces signes sont témoins d'une véritable lutte de la femme enceinte devant une mise à l'épreuve de son appareil psychique. « Paradoxalement, explique le Pr Thomas, il vaut mieux faire un épisode aigu facilement repéré qu'une dépression insidieuse évoluant à bas bruit de façon durable et dont les conséquences sont souvent plus graves. »
La mise en place de rencontres avec le psychiatre ou le psychologue permet de prendre ces données en considération et d'aménager une aide. Un traitement pharmacologique n'est institué que dans de très rares cas, dès lors que l'on observe un état pathologique confirmé traduisant la faillite des possibilités de défense et des recours.
D'après un entretien avec le Pr Pierre Thomas (USN B, Lille).
Evoquer les événements douloureux est moins dommageable que de les taire
La dépression postnatale peut rester un épisode isolé sans conséquences ultérieures et sans récidive si elle est repérée et prise en charge.
Les circonstances de la grossesse et du post-partum de la (grand) mère méritent d'être évoquées car elles peuvent éclairer d'un nouvel angle les troubles que vivent leur fille. Une dépression postnatale chez la (grand) mère non soignée constitue un facteur de risque pour la qualité de la grossesse de sa fille, Dans ce contexte, assure le Pr Thomas, « il y a plus de dommages à taire des événements douloureux qu'à les évoquer ».
Cela signifie en conséquence qu'il faut conseiller aux mères qui ont présenté une dépression du post-partum d'en parler très tôt avec leur enfant.
De 3 à 5 % des hommes
La dépression postnatale paternelle existe aussi. Elle concernerait de 3 à 5 % des pères. S'ils présentent moins d'épisodes dépressifs que les mères, ils peuvent adopter à l'occasion d'une naissance des troubles de conduite, une addiction (on observe d'authentiques alcoolismes de novo), des conduites suicidaire ou des troubles caractériels, à type d'agressivité avec conflit conjugal et familial, symptomatiques de difficultés psychologiques personnelles.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature