L’utilité du dépistage du cancer de la prostate en termes de santé publique, fait depuis plusieurs années l’objet d’un débat nourri entre la majorité des urologues, partisans du dépistage organisé, et certains épidémiologistes et cancérologues qui dénoncent l’absence de bénéfice démontrés et le risque de surtraitement.
La polémique a repris de plus belle la semaine dernière, la HAS s’étant prononcée une nouvelle fois contre le dépistage systématique du cancer de la prostate après avoir passé à la loupe les données des études PLCO et ERSPC. Pour l’HAS, l’analyse critique des résultats de ces travaux publiés en mars 2009 dans le NEJM montre que le dépistage systématique n’a pas fait la preuve de ses bénéfices. « Certes, l’étude ERSPC a montré un bénéfice en termes de mortalité sur un sous-groupe de population, indique Le Dr Scemama qui a coordonné cette analyse, mais ces résultats reposaient sur une méthodologie présentant des biais. A l’inverse, ces deux études montrent qu’ il y a un certain nombre d’inconvénients en termes de faux positif, d’acceptabilité et d’observance. » Un constat qui apporte de l’eau au moulin de certains épidémiologistes qui alertent depuis plusieurs années déjà sur les risques potentiels du dépistage de masse. « Dès 2007, avec Catherine Hill, nous avions indiqué que le dépistage organisé du cancer de la prostate avec le PSA n’était pas fondé rappelle le Pr Gérard Dubois (Evaluation médicale, Hôpital Nord, Amiens). De façon générale, le dépistage mis en œuvre doit apporter plus d’avantages que d’inconvénients et ce n’est pas le cas pour le cancer de la prostate. Il a des inconvénients certains pour des bénéfices hypothétiques ».
Avis divergents
Loin de partager cet avis, l’AFU n’a pas attendu longtemps pour réagir à l’avis de la HAS. Dans un communiqué virulent, la société savante dénonce, en l’absence de dépistage organisé, « une politique de gribouille où chacun fait ce qu’il croit devoir faire ». « Actuellement près de 7 français sur 10 bénéficient du dépistage individuel, mais pas toujours à bon escient explique le Pr Pascal Rischmann Président de l'AFU, et avec une grande disparité géographique entre régions riches et régions pauvres avec à la clef des différences de mortalité spécifique. Ce qui me désole, poursuit cet urologue, c’est de voir qu’on arrête une politique sur deux études ». D’autant que pour ce spécialiste, « les résultats actualisés de ERSPC sont positifs au delà même de ce que l’on pouvait attendre avec à 10 ans une différence de 30% sur la mortalité spécifique ». « Le premier objectif d’une politique de dépistage est la baisse de la mortalité et celle-ci est largement démontrée » indique l’AFU qui milite depuis ces résultats pour un dépistage organisé du cancer de la prostate pour tous les hommes de 55 à 69 ans et dès 45 ans pour les groupes à risque.
Quid du dépistage individuel ?
Au-delà de la controverse sur le dépistage organisé se pose aussi la question de la pertinence du dépistage individuel. Sur ce point le Pr Gérard Dubois est formel : « le dépistage dit individuel est pire car il est non évalué » et n’a pas lieu d’être même chez les sujets à risque. La position de l’HAS est moins tranchée : « La question qui nous était posée concernait le dépistage systématique organisé mais il est clair que les résultats de ces études fournissent aussi des arguments à l’encontre du dépistage individuel puisque le bénéfice ne semble pas établi. » indique le Dr Scemama. Pour autant, un flou persiste quand à la conduite à tenir notamment pour les patients à haut risque. « Il n’y a pas à ce jour de recommandation sur ce point » reconnaît le Dr Scemama, mais la HAS devrait très prochainement plancher sur le sujet.
En attendant, l’AFU encourage, elle, faute de dépistage organisé, le dépistage individuel systématique entre 55 et 69 ans et dès 45 ans pour les groupes à risque
Le débat est donc loin d’être clos….
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