Carcinome épidermoïde de l'oesophage
LE CARCINOME épidermoïde de l'oesophage est une pathologie relativement fréquente que l'on observe plus volontiers chez les patients déjà atteints d'un cancer ORL synchrone ou métachrone (3 à 14 %), des sujets alcoolo-tabagiques (3 à 4 %) ou des patients atteints d'un cancer pulmonaire. Le médecin doit donc être particulièrement attentif dans ces situations afin de proposer un dépistage à ces patients à risque.
Détection des zones iodonégatives.
Ce dépistage est réalisé chez des patients asymptomatiques au cours d'une endoscopie digestive.
S'il n'y a pas de lésion visible macroscopiquement, une chromo-endoscopie au lugol, un colorant à base d'iode qui est absorbé et s'accumule dans les granules de glycogène, est pratiquée. L'endoscopiste recherche des zones dysplasiques ou déjà dégénérées qui seront biopsiées. Pour cela, il pulvérise 10 à 30 ml de lugol sur l'ensemble de la muqueuse oesophagienne. Les lésions précancéreuses ou les petites lésions cancéreuses apparaissent sous forme de zones iodonégatives, c'est-à-dire qui ne fixent pas le lugol, qui normalement colore en brun toute la muqueuse oesophagienne, de manière assez spécifique. Une fois ces zones mises en évidence, un traitement spécifique endoscopique peut être envisagé précocement, à condition que le bilan d'extension ne montre pas d'invasion de la sous-muqueuse et de la musculeuse. Si la lésion est superficielle et de petite taille (par exemple : zone de dysplasie de haut grade ou carcinome épidermoïde in situ), une mucosectomie endoscopique est pratiquée. Elle consiste en une exérèse de la muqueuse lésée et en une collerette autour de la lésion. Dans ce cas, une guérison est possible. En revanche, si la lésion oesophagienne est de grande taille, il faut recourir à la radiothérapie ou à la chirurgie.
Cibler les populations à risque.
Jusqu'à présent, la prévalence du carcinome épidermoïde de l'oesophage chez les patients à haut risque n'avait pas été évaluée de façon prospective sur de grands effectifs de patients. Il semblait donc intéressant de déterminer les facteurs de risque les plus significatifs. Une étude nationale prospective a donc été menée de septembre 2000 à juin 2003. Son objectif était de déterminer pour quel patient et à quel moment le risque était suffisant pour justifier un dépistage. Au total, 1 097 patients ne présentant aucun symptôme œsophagien ont été inclus par quarante-cinq centres d'endoscopie digestive français. Ils ont été répartis en quatre groupes : patients qui présentaient un carcinome épidermoïde ORL ou trachéobronchique ; sujets qui souffraient d'une pancréatite chronique d'origine éthylique ; malades atteints d'une cirrhose éthylique et sujets alcoolo-tabagiques suivis par un centre d'hygiène alimentaire. Les résultats ont montré que seul le groupe de patients ayant des antécédents de cancer ORL ou trachéobronchique présentait un risque suffisant pour justifier un dépistage systématique. Avant coloration au lugol, 29 cancers et 6 dysplasies ont été mis en évidence ; après coloration, 6 cancers supplémentaires et 23 dysplasies (4 de haut grade et 19 de bas grade). La prévalence des cancers et des dysplasies de haut grade a été, respectivement, de 3,2 et 0,8 % après coloration, contre 2,7 et 0,5 % avant coloration, avec un pourcentage de lésions de 6,1 contre 3,5 %. La différence est statistiquement significative (p < 0,001).
La coloration au lugol permet donc de mettre en évidence des dysplasies et des cancers qui pourraient passer inaperçus autrement.
Cette étude montre, par ailleurs, qu'il est impératif de surveiller par endoscopie tous les patients qui présentent des antécédents de cancer ORL ou trachéobronchique. Et si l'endoscopie est normale, il ne faut pas hésiter à faire une coloration chromo-endoscopique au lugol, à la recherche de zones iodonégatives.
Le dépistage en France est performant lorsqu'il est ciblé. C'est le cas pour le cancer du sein. En revanche, il n'est pas très développé pour les patients à risque dans le domaine digestif (côlon, oesophage...). Or, dans le cas du cancer épidermoïde de l'œsophage, il est important de cibler les patients à risque. Reste que les médecins ORL et les pneumologues doivent y penser dans le cadre du bilan d'extension et dans la surveillance de leurs malades atteints d'une néoplasie.
D'après un entretien avec le Pr Denis Sautereau, président de la Société française d'endoscopie digestive, CHU Limoges
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