De notre correspondante
Trente-huit hectares, 170 000tonnes de plomb produites chaque année : l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault est la plus grosse unité de fusion de plomb d'Europe. Un gigantisme qui se paie par d'importants rejets atmosphériques : 25 tonnes de poussières de plomb par an ! Si ces rejets sont réduits progressivement, sous la pression de la DRIRE (direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement), la pollution des sols, elle, reste entière, exposant les enfants à des risques importants de saturnisme.
En 1994-1995, une première étude réalisée par l'observatoire régional de la santé auprès de 621 enfants révélait des taux de plombémie supérieurs à 100 μg/l chez 13 % d'entre eux, cette proportion atteignant 24 % parmi les enfants résidant à moins d'un kilomètre du site. Un second programme de dépistage étendu cette fois aux cinq communes avoisinant l'usine (Courcelles, Evin-Malmaison, Noyelles-Godault, Dourges et Leforest) a fait le même constat : sur 270 enfants dépistés, 11,1 % avaient une plombémie supérieure ou égale à 100 μg/l, ce taux grimpant à 31,9 % chez les enfants d'Evin-Malmaison (la commune la plus proche).
« La plombémie des enfants varie de manière significative selon la distance entre le logement et la cheminée de l'usine », souligne Christophe Declercq, chercheur à l'observatoire régional de la santé (ORS). Devant la constance de ces chiffres, la DDASS du Pas-de-Calais a décidé de pérenniser le dépistage du saturnisme infantile dans le secteur, à titre expérimental. Désormais, tous les enfants agés de 2 à 4 ans inscrits pour la première fois dans l'une des 12 écoles maternelles des cinq communes limitrophes de Metaleurop se verront proposer un contrôle sanguin de plombémie. Pour les plombémies supérieures à 100, un diagnostic environnemental est proposé aux familles (avec analyse des poussières intérieures et extérieures) et un contact pris avec le médecin traitant. Dans les très rares cas de plombémie supérieure à 250 (deux cas, l'an dernier), l'enfant est orienté vers les services pédiatriques hospitaliers pour un traitement chélateur.
400 enfants
Le nouveau programme de dépistage a commencé en octobre. Il concernera environ 400 enfants et leurs familles et sera accompagné d'une campagne de sensibilisation sur le saturnisme infantile et les gestes de prévention nécessaires. De leur côté, les 20 généralistes du secteur ont reçu des dépliants et des affiches à poser dans leur salle d'attente pour relayer l'information auprès de leur clientèle. A terme, l'objectif est de constituer un réseau associant les familles, les médecins scolaires et les libéraux pour améliorer la prise en charge des jeunes enfants. Reste le problème récurrent de la pollution : les enfants vivant dans le périmètre de l'usine demeurent exposés malgré eux aux rejets de plomb. Pour réduire les risques, il faudrait décaper les terres polluées des jardins concernés. Plusieurs expériences sont menées dans ce sens, mais le coût de l'opération est dissuasif. S'ajoute à cela le problème de la vétusté des logements : 50 % d'entre eux datent d'avant 1948... Lorsque les familles habitent un logement insalubre et trop proche de l'usine, la seule solution est bien souvent le relogement. Une réponse difficile à généraliser !
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