Le frottis cervico-vaginal, tel qu'il est pratiqué actuellement, vit peut-être ses dernières années. Il pourrait être remplacé par un dépistage du papillomavirus réalisé au cours d'un frottis dit en « phase liquide ». L'analyse cytologique de la lame ne serait effectuée qu'en cas de présence virale. De telles notions bouleverseraient complètement le dépistage primaire du cancer du col, tant dans la pratique du geste lui-même que dans ses implications économiques.
Cette attitude, relevée déjà dans la littérature et mise en application dans certains pays en développement, est confortée par une vaste étude française de C. Clavel et coll. (Reims) publiée récemment dans le « British Journal of Cancer ».
Le principe de départ est qu'un frottis anormal est toujours sous-tendu par l'existence d'un papillomavirus oncogène. Ce virus est considéré comme un facteur nécessaire, mais non suffisant à l'apparition d'un cancer du col utérin. En attester l'absence permet d'assurer à une femme un risque de cancer du col proche de zéro, à moyen terme. Un nouveau frottis ne serait pas utile avant au moins trois ans. En cas de frottis équivoques ou évocateurs de lésions de bas grade, un test HPV négatif signe la régression prévisible de la lésion.
Mais peut-on être sûr de l'absence de virus au dépistage ? Le test pratiqué est-il suffisamment sensible ?
Une sensibilité proche de 100 %
C'est là le travail mené par l'équipe rémoise. Ces médecins montrent qu'un test, HC II (Hybrid capture II, Digene), en l'occurrence, en offrant une sensibilité proche de 100 % dans la détection des HPV oncogènes, pourrait être utilisé en dépistage primaire.
L'étude est menée depuis quatre ans, de façon prospective, dans la région de Reims, avec la participation active de l'équipe de gynécologie des Prs C. Quéreux et R. Gabriel, du CHU de Reims. A ce jour, 10 007 femmes ont été enrôlées, soit une analyse de 16 000 prélèvements. Elles bénéficient d'un frottis conventionnel ou en phase liquide (dit monocouche). Une analyse cytologique et un test HPV sont réalisés systématiquement en routine. Dans les résultats publiés en juin 2001 par la revue britannique, sur 7 932 femmes testées, 1 214 (15,3 %) présentaient une infection par le HPV à haut risque (HPV-HR). La prévalence de l'infection diminue largement après l'âge de 30 ans. Ainsi chez les moins de 20 ans, le virus était retrouvé chez 20,1 % des femmes ; entre 21 et 30 ans, chez 23,6 %. La prévalence régresse ensuite à 13,9 % entre 31 et 40 ans, 12,2 %, entre 41 et 50 ans, pour passer à moins de 10 % au-delà de 51 ans.
Point important, le travail montre une sensibilité du test HPV de 98,5 %. Celle de la cytologie conventionnelle est établie à 70 %, la cytologie en phase liquide offrant une meilleure performance, à 80-85 %. La pratique d'un test HPV permet donc de diminuer le nombre de frottis considérés à tort comme normaux.
Sélectionner les 15 à 16 % de frottis HPV positifs
Avant de proposer un usage systématique du test HPV en dépistage primaire, encore faut-il s'assurer de sa spécificité. Etablie à 87 % pour un test unique initial, elle apparaît trop faible dans cette indication. Toutefois, par la répétition du test six à douze mois plus tard, la spécificité passe à 93 % pour deux examens positifs, taux parfaitement acceptable. « On peut concevoir, explique le Pr Philippe Birembaut, de pratiquer tout d'abord une recherche d'HPV oncogènes, qui permet de sélectionner les quelque 15 à 16 % de frottis HPV positifs. La cytologie serait alors réservée à ces femmes. A terme, on pourrait ainsi combiner la sensibilité du test HPV et la haute spécificité de l'examen cytologique. » D'ailleurs, de nombreuses études sont publiées, accréditant cette position.
« Nous luttons pour faire reconnaître le test au niveau national et par les autorités de tutelle. Le cancer du col est la seule tumeur humaine solide viro-induite à 100 %. Notre but est le dépistage primaire. C'est la première fois que les médecins possèdent un test extrêmement sensible et qu'il n'est pas utilisé en première intention. »
C. Clavel, M. Masure, J.-P. Bory, I. Putaud, C. Mangeonjean, P. Nazeyrollas, R. Gabriel, C. Quéreux et P. Birembaut, « British Journal of Cancer » , 2001 ; 89 (12), 1616-1623.
Bientôt une recommandation de l'ANAES
« Que faire devant un frottis anormal ? » : sous cet intitulé, l'ANAES travaille à une recommandation attendue pour mai ou juin prochain.
Le Pr Christine Clavel, qui participe au comité scientifique, constate que les spécialistes français ne sont pas encore mûrs pour un dépistage primaire des lésions par une recherche des HPV oncogènes. Certains reconnaissent la valeur du test dans les frottis ASCUS (ou indéterminé), parmi lesquels de 10 à 15 % sont des lésions de haut grade passées inaperçues. « La prise en compte du test HPV dans les frottis ASCUS est un début. J'espère y voir une ouverture vers un futur dépistage primaire », constate le Pr Clavel. La spécialiste précise que la tendance actuelle se limiterait à rechercher des HPV oncogènes devant un frottis de type ASCUS et dans le suivi d'une lésion de haut grade traitée. Dans ces circonstances, la négativité de la recherche permet de rassurer pleinement la femme.
Place du test dans les lésions cervicales
Une infection par le HPV ne signe pas nécessairement l'apparition d'une lésion cervicale. De 60 à 80 % des infections sont transitoires, avec une durée moyenne de huit à quatorze mois ; en outre, de nombreux CIN régressent spontanément. Il faut, malgré cela, ne pas négliger que les femmes à frottis normal et porteuses d'une infection persistante par le HPV oncogène ont un risque de cent à deux cents fois plus élevé de développer une lésion de haut grade que les femmes non infectées.
Dès lors, le test HPV permet de sélectionner une population de femmes, à frottis initialement normal, à haut risque de développer une lésion cervicale de grade élevé. De même, le test se montre utile dans le triage des femmes présentant des frottis de type indéterminé ou ASCUS (Atypical Squamous Cells of Undetermined Significance), ainsi que dans le suivi et la surveillance de lésions, traitées ou non, quel que soit leur grade.
Un prélèvement unique
Le frottis en phase liquide est réalisé à l'aide d'une cytobrossette. Un seul prélèvement est réalisé à la jonction endocol-exocol. Les cellules ainsi recueillies sont dispersées dans un liquide de conservation, simplement en agitant la brossette à l'intérieur du flacon. Ce dernier est adressé aux laboratoires équipés, où test HPV et cytologie peuvent être réalisés sur le même prélèvement.
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