L'avènement du dosage du PSA à la fin des années 1980 a ouvert la voie au dépistage du cancer de la prostate. Faut-il aujourd'hui le proposer systématiquement à l'ensemble de la population masculine dès l'âge de 50 ans ? La réponse à cette question n'est pas tranchée.
En janvier 1999, une étude de l'Agence nationale et d'évaluation en santé (ANAES) concluait que « les connaissances actuelles ne permettent pas de recommander un dépistage de masse du cancer de la prostate ». Plus récemment (2002), l'Association française d'urologie a pris position en faveur d'un dépistage « organisé ».
La question reste ouverte. Dans un rapport adopté le 20 mai, l'Académie de médecine constate que les réponses à apporter avant de conclure à la nécessité d'un dépistage de masse évoluent avec les progrès scientifiques, la publication d'études sur le suivi au long cours de cohortes de patients traités ou non et les changements de l'attitude de la population vis-à-vis des risques encourus. « C'est dans ce contexte d'hésitation qu'(elle) a décidé d'apporter sa contribution à la réflexion en cours. »
Le rapport examine les cinq critères qui, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), justifient la mise en place d'un dépistage systématique :
1) la maladie doit être fréquente et doit constituer un problème de santé publique ;
2) elle doit être détectable à un stade latent (préclinique) avant le stade symptomatique ;
3) un traitement efficace entrepris au stade préclinique doit augmenter la durée de vie des patients, tout en maintenant sa qualité de vie ;
4) le test de dépistage doit être spécifique, sensible, sans danger et facile à réaliser ;
5) il doit pouvoir être accepté sans difficultés par le patient et son coût doit être supportable pour la collectivité.
Dans le cas du cancer de la prostate, un consensus se dégage sur les trois premiers critères. C'est le cancer le plus fréquent chez l'homme de 50 ans et la deuxième cause de mort chez l'homme. Avec l'allongement de la durée de vie et la plus grande fréquence du dosage du PSA, son incidence a augmenté au cours des dernières décennies. Dans le même temps, la mortalité a diminué, probablement en raison de la mise en route précoce des traitements. « D'une maladie découverte tardivement devant des symptômes urinaires ou des métastases osseuses chez l'homme de plus de 70 ans, le cancer de la prostate est devenu une maladie de l'homme plus jeune découverte à un stade localisé et souvent asymptomatique. » Deux traitements à visée curatrice sont possibles : la prostatectomie radicale, le plus efficace, et la radiothérapie externe.
Les deux critères qui concernent le test de dépistage sont plus discutables. Le dosage apparaît comme un outil utile, mais imparfait. Le PSA, glycoprotéine de la famille des protéases dont la synthèse est induite par les androgènes, est sécrété quasi exclusivement par les cellules épithéliales des acini de la prostate. « Il est donc spécifique d'un organe, la prostate, et non d'une maladie. »
La question essentielle reste celle du taux de PSA assurant les meilleures spécificité et sensibilité. Pendant longtemps, une concentration de PSA total de 4 ng/ml a été considérée comme la limite supérieure de la normale. Mais ce taux laisse échapper un nombre non négligeable de cancers chez les sujets jeunes et, inversement, seule une fraction minoritaire (25 % environ) des sujets avec un taux de PSA entre 4 et 40 ng/ml (zone de suspicion) ont une biopsie spécifique. Des affinements ont été proposés : rapport PSA libre/PSA total, dosage du PSA complexé et étude de la cinétique.
Les Prs Michel Bourel et Raymond Ardaillou, rapporteurs, notent que « le dosage de PSA est entré dans la routine clinique avec 1 200 000 dosages par an. Il existe une demande accrue des malades à leur médecin. Le temps n'est donc plus à une discussion théorique sur la nécessité du dosage, mais le débat doit porter sur ses indications et les conclusions à tirer des résultats obtenus ».
En accord avec l'Association française d'urologie, l'Académie recommande « qu'un dosage soit proposé et un toucher rectal effectué par le médecin traitant tous les ans dès 50 ans et jusqu'à 75 ans dans la population masculine ». S'il existe un risque héréditaire, il doit être proposé dès 45 ans.
Une consultation chez l'urologue doit être demandée, en cas d'anomalie au toucher rectal ou de taux de PSA anormal.
L'Académie recommande que des études soient poursuivies sur la distribution des concentrations plasmatiques en fonction de l'âge, sur la recherche de nouveaux marqueurs. Enfin, les programmes de dépistage qui sont en cours dans certains départements ou régions doivent être encouragés. Les données recueillies permettront d'évaluer l'intérêt respectif du dépistage organisé et du dépistage individuel.
Des essais pour améliorer le PSA
Des méthodes sont aujourd'hui évaluées pour améliorer la validité du dosage du PSA :
- Ajuster le taux seuil à l'âge. Il a été proposé de diminuer le taux seuil du PSA total à 2,5 ng/ml entre 40 et 49 ans et de l'élever à 6,5 ng/ml entre 70 et 79 ans.
- Rapporter le taux de PSA au volume de la prostate estimé par échographie. - Suivre la cinétique du PSA : sa concentration augmente plus vite chez les malades atteints de cancer que chez les sujets normaux et ceux atteints d'hypertrophie bénigne.
- Doser de nouveaux marqueurs : la fraction de PSA libre par rapport au PSA total est plus basse chez les malades atteints de cancer. Mesure du pro PSA(forme immature du PSA) et du rapport PSA clivé sur PSA mature.
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