De grands essais randomisés de dépistage de certains cancers sont en cours. Parmi eux, l'ERSPC (European Randomized Study of the Screening for Prostate Cancer) pour le cancer de la prostate et le PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian screening trial) pour les cancers prostatique, pulmonaire, colorectal et ovarien.
Mais il faudra attendre des années avant que l'on sache quel gain, notamment sur la mortalité liée au cancer, le dépistage permet d'obtenir. En attendant, les analyses intermédiaires permettent de se faire une bonne idée de la qualité des procédures de dépistage. Parmi les résultats intermédiaires, il y a le taux de cancers de l'intervalle, c'est-à-dire les cancers détectés, dans la population étudiée, entre deux dépistage et en dehors des essais de dépistage.
Le taux de cancers de l'intervalle reflète le nombre des nouveaux cancers et le temps qu'il mettent à devenir cliniquement parlants ; c'est donc un paramètre important pour déterminer la sensibilité d'une procédure et déterminer le bon intervalle entre deux dépistages. C'est dire l'intérêt de l'article publié par une équipe néerlandaise dans le « Journal of the National Cancer Institute » sur les cancers de l'intervalle dans l'essai ERSPC.
PSA, toucher rectal, échographie
L'équipe d'Ingrid van der Cruijsen-Koeter (Rotterdam) a suivi une cohorte de 17 226 hommes de 55 à 74 ans enrôlés dans ERSPC-Rotterdam. Ces hommes ont été répartis en deux groupes : 8 350 dans le bras intervention et 8 876 dans le bras contrôle.
Entre octobre 1993 et décembre 1996, tous les hommes du groupe intervention ont eu leur premier protocole de dépistage ; le suivant a eu lieu quatre ans plus tard, soit en décembre 2000 pour les sujets inclus en décembre 1996. Tous les hommes du bras contrôle ont été enrôlés simultanément.
Lors du premier dépistage, les sujets du groupe intervention ont eu un dosage du PSA (antigène prostatique spécifique), un toucher rectal (TR) et une échographie transrectale. Les sujets dont le PSA était supérieur à 4 ng/ml ou bien dont le PSA était entre 0 et 3,9 ng/ml mais dont le TR ou l'échographie étaient anormaux, se sont vu proposer une biopsie prostatique transrectale.
Lors du premier dépistage, on a diagnostiqué 412 cancers parmi les 8 350 hommes du groupe intervention.
Au cours des quatre années qui ont suivi (intervalle entre deux dépistages), on a observé 135 cancers parmi les hommes du groupe contrôle et 25 seulement parmi les hommes du groupe intervention (par définition, il s'agit de 25 cancers de l'intervalle). Parmi ces 25 cancers, 22 étaient considérés comme précoces (stades T1A, T1B, T1C ou T2A) ; aucun n'était faiblement différencié ou métastatique (N+ ou M+).
Toujours parmi les 25 cancers de l'intervalle, 7 sont survenus chez des hommes qui avaient initialement refusé la biopsie prostatique qui leur était conseillée ; toutefois, aucun de ces 7 hommes n'avait de maladie métastatique ; 5 sur les 7 ont été diagnostiqués dans l'année qui a suivi le premier dépistage.
Sur les 18 (25-7) hommes restants, 4 avaient 75 ans ou plus ; sur ces 4, 3 étaient des carcinomes diagnostiqués sur une biopsie transrectale faite alors qu'on croyait avoir affaire à une maladie bénigne ; les 14 (18-4) restants étaient cliniquement parlants.
Lors du dépistage initial, nous l'avons dit, 412 cancers avaient été dépistés ; la proportion des cancers de l'intervalle est donc de 25/412 soit 6,1 %.
Sensibilité de 80-85 %
Pendant les quatre ans, la proportion de cancers en rapport bras intervention/bras contrôle est de 25/135, soit 18,5 % ; mieux, si l'on fait abstraction des 7 hommes qui ont refusé la biopsie, on obtient une proportion de 18/135, soit 13,3 %.
Quelle est, en fin de compte, la sensibilité de ce protocole de dépistage ? Elle est de 79,8 % si l'on considère qu'il y a eu 25 cancers de l'intervalle, voire de 85,5 % si l'on ne tient pas compte des sujets qui avaient refusé la biopsie prostatique au premier dépistage.
« Le taux de cancers de l'intervalle dans un intervalle de quatre ans a été faible, ce qui confirme que cette procédure de dépistage a une haute sensibilité et qu'un intervalle de quatre ans entre deux dépistages est raisonnable », concluent les auteurs.
« Journal of the National Cancer Institute », 2003, vol. 95, n° 19, pp. 1462-1466.
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