Alors qu'il est inscrit au carnet de santé depuis 1995, le dépistage néonatal de la surdité par otoémissions acoustiques fait du surplace. Cher, grand consommateur de temps et oublié de la nomenclature, l'examen, malgré son efficacité, n'est pas adapté à la routine. D'où le besoin d'un mode de dépistage plus accessible.
Dans cet esprit, le Pr Gérard Lucotte* et le Dr Martine François** suggèrent, dans une courte lettre aux « Archives de Pédiatrie » de février, l'utilisation de la génétique moléculaire. Il s'agirait simplement de prélever une goutte de sang supplémentaire, au talon du nouveau-né, sur papier buvard, lors des tests néonatals (phénylcétonurie, hypothyroïdie).
L'idée de départ du Pr Lucotte est simple. Si la génétique peut aider au diagnostic étiologique d'une surdité, elle peut aussi contribuer à son diagnostic clinique. Ainsi, la mutation homozygote du gène GJB2 est impliquée dans au moins 50 % des surdités héréditaires non syndromiques. Ce gène, porté par le chromosome 13, code pour la connexine 26. De plus, une mutation spécifique, dite 35delG (délétion d'une guanine en position 35) représente quelque 70 % des mutations du gène de la connexine 26.
Un test sur buvard
Traduit en statistique : sachant qu'un enfant sur 2 000 naît sourd, le dépistage à partir du test sur buvard permettrait de dépister environ une surdité sur 5 000 naissances, soit environ une surdité congénitale sur trois.
« Mais, explique le Dr François, avant de proposer le test aux autorités, il fallait le jauger en vraie grandeur. » En raison de la faible prévalence de ce type de surdité, la méthode a été sensibilisée. Le dépistage n'a été proposé qu'à des enfants caucasiens (de 2 à 4 % de cette population est porteuse hétérozygote), en cas d'antécédent familial de surdité ou de consanguinité des parents. Enfin, un grande maternité semblait indispensable. Celle de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, avec 3 000 accouchements par an a été retenue.
Après accord du comité d'éthique et des parents, une recherche de la mutation du gène de la connexine 26 a été pratiquée chez 20 nouveau-nés répondant aux critères, entre juin 2000 et juin 2001. Tous ont subi en plus un examen par otoémissions. Sur ces 20 naissances, un enfant homozygote pour la mutation a été découvert. Le bilan audiométrique a confirmé la surdité et l'appareillage a été immédiat.
Un coût marginal
« Considérant les 800 000 naissances en France, explique le Dr François, l'utilisation généralisée du test génétique permettrait de diviser environ par 10 le nombre d'examens par otoémissions nécessaires, le réduisant à 50 000 à 80 000. Le coût marginal du dépistage génétique s'élève à 1 euro, c'est-à-dire sans tenir compte des temps de prélèvement et de secrétariat associés. Une dépense de santé bien inférieure à celle des otoémissions acoustiques. » « L'idée de départ, poursuit le Dr François , était de savoir si ce protocole était réalisable ; notre résultat préliminaire est encourageant. »
Les surdités sévères et profondes souffrent en France d'un retard au diagnostic. Jusqu'à ce travail, le dépistage anténatal ne présentait d'autre intérêt que le conseil génétique. Les parents découvrent qu'ils sont porteurs, qu'ils risquent de transmettre l'affection... mais l'interruption de grossesse n'est pas autorisée pour une surdité isolée. « Depuis 1997, on sait que la plupart des formes de surdités héréditaires non syndromiques sont transmises de façon récessives dans les familles et qu'au moins 28 gènes les déterminant sont localisés chromosomiquement, sept d'entre eux étant maintenant identifiés », rappellent les deux auteurs. Le premier d'entre eux a été le gène GJB2.
« Arch Pediatr », 2002 : 9 : 5-7.
* Centre de neurogénétique moléculaire, Paris.
** Service d'ORL pédiatrique, hôpital Robert-Debré, Paris.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature