LE QUOTIDIEN
La dépénalisation n'entraînerait-elle pas une hausse de la demande de drogue, donc un regain du trafic, et surtout un plus grand nombre de victimes des toxicomanes et des dealers ?
Dr Béatrice Stambul
Rien n'est prouvé. Il ne s'agit pas de légaliser, de vendre de l'héroïne ou du cannabis au bureau de tabac, il s'agit de ne pas criminaliser l'usage.
La criminalisation de l'usage est contre-productive et dommageable, car la consommation clandestine est source de très grands risques. Pour autant, il n'est pas question de faire une dépénalisation sèche, sans mesures d'accompagnement importantes et sans développer la prévention. Or la législation actuelle ne se prête guère à une information-prévention, avec l'article L 630 du code de la santé publique qui réprime la représentation des drogues sous un jour favorable (2).
En réalité, c'est la criminalisation qui entraîne le trafic et l'incivisme. Je suis psychiatre, responsable d'un centre de soins pour toxicomanes à Marseille, et le fait que la consommation ne soit pas visible ne facilite pas ma mission de thérapeute. Quant à mettre en prison l'usager, on voit mal comment cela peut déboucher sur une prise en charge correcte. Dans tous les cas, la prohibition ne fait pas uvre de santé publique. Pour moi, qui m'interroge beaucoup sur la souffrance de mes patients, la frontière entre les produits licites et les produits illicites ne correspond pas à une frontière clinique.
Pour ce qui est des nuisances dont vous parlez, il convient d'apprendre à partager l'espace public. Nous sommes sur une même terre, il faut réfléchir à la partager pacifiquement. Mais cela n'a rien à voir avec la dépénalisation de l'usage.
J'insiste, la criminalisation fabrique de facto des gens hors citoyenneté, comme au temps de la prohibition aux Etats-Unis. Pour l'instant, l'usager de drogue est la seule personne au monde à être condamnée parce qu'elle est malade. Pour un médecin, c'est intolérable. Toute prise en charge ne peut passer que par la dépénalisation. Sur le sujet, les décideurs politiques font preuve d'un déficit de connaissances. Pourtant, il est temps d'adapter à la réalité une loi de 1970 qui pénalise, de la même façon, l'usager de n'importe quel produit illicite, et ce quelles qu'en soient la dose et la fréquence.
(1) Thème d'un forum-débat, organisé aujourd'hui 19 septembre, de 18 h 30 à 21 h00, au siège de Médecins du Monde (MDM), 62, rue Marcadet, Paris 18e. Tél. 01.44.92.14.31.
(2) L'article L 630 est devenu L 3421-4 ( ordonnance 2000-548 du 15 juin 2000).
La réduction des risques à MDM en 2001
- 300 intervenants et 21 programmes
- 50 000 contacts de prévention avec des usagers de drogues
- 530 000 seringues distribuées
- 6 000 contrôles rapides de produits;
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