A la veille d'une nouvelle séance de négociations conventionnelles, la tension est plus vive que jamais entre l'assurance-maladie et les spécialistes installés en secteur I (« le Quotidien » du 11 mars).
Après la caisse des Vosges, qui a sanctionné la semaine dernière une dizaine de spécialistes pour des dépassements d'honoraires « abusifs », en suspendant la prise en charge de leurs cotisations pendant 24 mois, c'est, notamment, la CPAM de la Drôme qui prend le même chemin en engageant une procédure contre 29 spécialistes du département (qui en compte 450) dont des ophtalmologistes, ORL, dermatologues, anesthésistes, gynécologues ou gastro-entérologues.
Les sanctions éventuelles, qui pourraient être prononcées avant la fin du mois de mars si les spécialistes concernés ne justifient pas leur utilisation répétée du DE, vont de la suspension de la participation de l'assurance-maladie au financement de leurs cotisations pour plusieurs mois au déconventionnement pur et simple. « Nous suivons les pratiques tarifaires des médecins spécialistes depuis juin, argumente Jacques Levando, directeur de la CPAM de la Drôme. Nous nous sommes rendu compte que 29 d'entre eux ont une utilisation du dépassement tout à fait excessive, qui concerne souvent deux tiers ou trois quarts de leur activité, et parfois même 100 %. » Il précise que les dépassements constatés ne portent pas sur de « simples arrondis » mais aboutissent, par exemple, à des consultations facturées par les spécialistes « 30 ou 35 euros ». Pour lui, ce « noyau dur » de praticiens « liés pour la plupart à la coordination de la Drôme et de l'Ardèche » n'a donc guère d'excuses, d'autant que ces médecins « n'ont pour l'instant rien changé à leur comportement malgré une mise en garde amiable ».
Obligation de moyens
Le Dr Dominique Moutel, médecin ORL, président de la CSMF 26, et lui-même concerné par cette procédure de sanction, a une toute autre analyse. « Comme à Nantes ou dans les Vosges, nous avons dans la Drôme l'un des quatre ou cinq directeurs (de CPAM) de France qui n'hésiteraient pas à déconventionner quelques médecins pour l'exemple. » Sur le fond, il souligne l'absolue nécessité « économique » d'utilisation du DE par des spécialités qui ont « une obligation de moyens en vertu de l'article 71 du code de déontologie ». « Avec l'explosion des charges, explique le Dr Moutel , il est clair que les ressources de la Sécu ne correspondent plus au coût des soins en pratique libérale. » L'application des dépassements tarifaires serait irréversible. « Le DE est devenu un dépassement économique : on ne pourra plus reculer, sauf à faire de l'abattage », résume-t-il.
La multiplication de ce type d'affaires (Drôme, Vosges, Deux-Sèvres, Bretagne...) pose de nouveau la question cruciale des espaces de liberté tarifaire réclamés par la très grande majorité des spécialistes. Dans la dernière ligne droite des négociations, les syndicats médicaux ont beau jeu de souligner que la pratique des dépassements a atteint un point de non-retour. Et que la future convention, d'une manière ou d'une autre, devra prendre en compte cette réalité du terrain, faute de quoi les spécialistes la rejetteront.
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