CONGRES HEBDO
0n distingue deux grandes situations cliniques à l'origine de la dénutrition du sujet âgé : il s'agit des tableaux d'anorexie et des situations au cours desquelles il existe une augmentation des dépenses énergétiques liées à un désordre somatique.
Cinq grandes causes sont identifiées dans l'anorexie du sujet âgé :
1. « Il faut avant tout rechercher une cause sociale. L'isolement de la personne âgée contribue à la perte des repères qui rythment la journée, et notamment les repas. Le manque d'argent est lui aussi souvent en cause. Il faut rechercher ces situations et recourir rapidement aux aides sociales existantes », insiste le Dr Gwenaëlle Abiven.
2. La perte de l'autonomie peut être la cause de l'anorexie du sujet âgé. Le handicap est caractérisé par une diminution de la force motrice, une apraxie, un tremblement, une réduction de la capacité masticatoire qui peut être liée à un appareil dentaire mal adapté, ou des troubles de la déglutition.
« Ces situations compliquent l'approvisionnement du sujet, rendent très difficiles la préparation des repas et l'ingestion des aliments, » affirme la spécialiste.
Les régimes alimentaires en cause
3. Les régimes sont en cause dans l'anorexie des personnes âgées. « En effet, ces dernières sont de plus en plus nombreuses à contrôler volontairement leur alimentation pour un objectif pondéral proche de celui des adultes jeunes (1).
Les autres régimes tels que les régimes sur prescription médicale avant intervention chirurgicale doivent être prescrits avec vigilance car la personne âgée perd souvent davantage de muscle que de graisse, on peut se retrouver rapidement dans une situation de dénutrition. Les régimes sans sel dans le cadre d'une insuffisance cardiaque aiguë doivent être instaurés transitoirement. La surmédication des sujets âgés contribue elle aussi à l'anorexie, notamment en modifiant le goût », explique le Dr Gwenaëlle Abiven.
4. Les démences sont, elles aussi, responsables de l'anorexie du sujet âgé. « Cinquante pour cent des sujets déments institutionnalisés sont dénutris. Cette dénutrition est majorée dans la maladie d'Alzheimer, souligne le Dr Abiven. L'hypothèse physiopathologique serait une augmentation des besoins consécutifs à un accroissement de l'agitation et de la déambulation, aux désordres métaboliques liés notamment à un trouble du neuropeptide Y, à des atteintes du cortex mésotemporal intervenant dans la régulation de l'appétit. »
Les démences entraînent une perte d'autonomie avec des troubles mnésiques (oubli d'avoir mangé, troubles de la reconnaissance des aliments), apraxie, stéréotypies motrices, troubles de la concentration qui majorent en fait les difficultés pour s'alimenter.
5. Les troubles psychiatriques du sujet âgé sont très souvent à l'origine d'une anorexie, et par conséquence de la dénutrition. La dépression est le syndrome le plus fréquent surtout lors de l'entrée en institution. La dépression entraîne un repli sur soi, une baisse de la convivialité, un ralentissement psychomoteur, un isolement social, qui contribuent à la diminution des apports alimentaires. « L'anorexie mentale est, selon certaines études, responsable de 25 % des dénutritions inexpliquées représentant 20 % des dénutritions en général. »
Les étiologies somatiques
Elle peut être ancienne, réactivée ou de novo, elle est liée à la peur de grossir ; le patient sélectionne de manière excessive les aliments qu'il va consommer. Face à ce tableau clinique, il faut éliminer avant tout des anomalies du tube digestif (mycoses oesophagiennes, ulcères gastroduodénaux, troubles intestinaux, fécalome...).
Enfin, les situations d'hypercatabolisme entraînant une dénutrition correspondent aux pathologies augmentant le métabolisme énergétique telles que l'hyperthyroïdie, l'insuffisance respiratoire, cardiaque, mais aussi les escarres, l'infarctus du myocarde, les AVC, les ischémies, les infections, les fractures, « toute lésion tissulaire qu'elle quelle soit, souligne le Dr Abiven. Du point de vue biologique, les cytokines sont responsables de cette dénutrition ; elles entraînent au niveau cérébral des troubles thermorégulateurs avec apparition d'une fièvre et secondairement déshydratation avec anomalie de la régulation de l'appétit et, enfin, elles induisent des modifications au niveau hépatique du transport de protéines telles que l'albumine et la préalbumine au profit de protéines de l'inflammation telles que la CRP. La diminution des capacités anaboliques et l'augmentation des capacités cataboliques expliquent les difficultés de récupération de la masse musculaire du sujet âgé. »
Parmi les causes les plus fréquentes de dénutrition du sujet âgé citées dans les études de hiérarchisation, il faut évoquer la dépression, les démences et les maladies psychiatriques, les néoplasies et les troubles gastro-intestinaux.
D'après un entretien avec le Dr Gwenaëlle Abiven (Paris).
(1) Weight Loss Preoccupation in Aging Women : a Review. Allaz A. F. « J of Nutrition, Health and Aging . 1999 : 3 (3), 177-181.
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