Les infections par le virus de la dengue, transmises par les moustiques, constituent un problème majeur dans certaines régions en développement (Asie du Sud-Est, îles du Pacifique, et Amérique latine). Cinquante millions de personnes seraient infectées chaque année. « En Thaïlande, 100 000 cas sévères par an nécessitent une hospitalisation », précise au « Quotidien » le Dr Gavin Screaton (hôpital John Radcliffe d'Oxford) qui a mené l'étude.
On s'intéresse donc vivement au développement d'un vaccin. Toutefois, l'association de la forme sévère à la réinfection soulève le risque potentiel de la vaccination. Le vaccin pourrait agir comme une infection originale et favoriser la forme sévère plutôt que de procurer une protection.
Il est donc important pour le développement vaccinal de mieux comprendre la pathogenèse de la dengue hémorragique, forme sévère de la dengue.
Quatre sérotypes du virus
« Il existe quatre sérotypes du virus de la dengue », explique le Dr Screaton. « La maladie sévère survient surtout lorsqu'un individu est réinfecté par un autre sérotype. Cela implique que le système immunitaire peut en fait être néfaste dans l'infection de la dengue, en aggravant les symptômes lorsqu'un individu qui a été antérieurement infecté rencontre le virus une seconde fois ».
L'équipe du Dr Screaton a analysé en détail les réponses des lymphocytes T cytotoxiques CD8+ (CTL) durant l'infection aiguë.
Tout d'abord, ils ont identifié le premier épitope CD8 pour le virus de la dengue chez les sujets HLA-A11, un des principaux sous-types HLA en Asie du Sud-Est.
Ils ont ensuite étudié les réponses CTL spécifiquement dirigées contre le virus de la dengue chez un groupe d'enfants thaïlandais hospitalisés pour une dengue aiguë. La majorité présentait une réinfection, d'après la sérologie.
Durant l'infection aiguë, peu de CTL spécifiques de la dengue sont trouvés. La majorité de ceux qui sont présents sont activés et subissent une apoptose. L'activation et le décès de ces cellules pourraient entraîner la libération de cytokines et contribuer à la pathologie sévère, suggèrent les chercheurs.
Le péché originel
De plus, les CTL spécifiques de la dengue ont peu d'affinité pour le virus infectant, mais présentent une meilleure affinité pour d'autres souches, probablement rencontrées antérieurement. Ainsi, les clones CTL activés par le « péché antigénique originel » sont moins efficaces pour combattre la seconde infection virale, et pourraient ainsi favoriser des charges virales plus élevées et une pathologie plus sévère.
« Lorsque les enfants sont secondairement infectés par la dengue, les cellules T répondent souvent mieux au précédent virus qu'au virus de l'infection présente », résume le Dr Screaton. « C'est un processus connu sous l'expression de "péché antigénique originel", et, dans le cas de la dengue, notre hypothèse est que ce phénomène pourrait être néfaste ».
Ces résultats sont importants pour le développement d'un vaccin. « Il sera nécessaire de développer un vaccin qui conférera une immunité à tous les sérotypes de la dengue, sinon il est possible que le vaccin puisse empirer la situation », observe l'immunologiste britannique.
Il faudra donc identifier plus d'épitopes CD8 afin de les incorporer dans un vaccin.
« Nature Medicine », 16 juin 2003, DOI: 10.1038/nm887.
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