L'Observatoire de la démographie que nombre d'experts, parlementaires ou professionnels de santé réclament depuis des années va enfin voir le jour.
En effet, un décret publié au « Journal officiel » du 21 juin crée, auprès du ministre de la Santé, un « Observatoire national de la démographie des professions de santé », dont la première mission sera de rassembler, d'analyser et de diffuser toutes les connaissances dans ce domaine. Un travail d'audit et de synthèse indispensable pour permettre à l'Etat d'anticiper d'éventuelles pénuries par spécialité et par région.
Ceux qui réclamaient une telle structure de pilotage n'osaient presque plus y croire. Un décret du 4 mars 2002 avait déjà prévu un observatoire de la démographie des professions de santé et de l'évolution de leurs métiers ; mais cet organisme, trop lourd dans sa conception et impossible à gérer (avec une commission permanente de 82 membres), n'avait jamais pu être installé par Bernard Kouchner. Le décret de mars 2002 est donc abrogé, le ministère de la Santé souhaitant disposer d'une « structure plus souple ». Et surtout opérationnelle.
Eviter l'usine à gaz
De fait, l'Observatoire Mattei regroupe sous l'autorité d'un président nommé pour trois ans, le Pr Yvon Berland, doyen de la faculté de médecine de Marseille, un « conseil d'orientation » restreint au maximum et, par ailleurs, des « comités régionaux ». Faisant office de tête de réseau, le conseil d'orientation réunit dix personnalités qualifiées et quatre membres de droit (voir le détail en encadré). Resserré, cet organigramme est une réponse directe aux recommandations du même Pr Berland qui, dans son rapport sur la démographie des professions de santé, rendu à la fin de 2002, avait souhaité que l'éventuel Observatoire ne fût pas une usine à gaz mais une « structure opérationnelle et technique de taille limitée ». C'est le cas.
Quant aux comités régionaux, ils réuniront chacun au maximum dix personnalités qualifiées nommées par le préfet de région dont « au plus quatre représentants des professionnels de santé ». Pour le reste, aucun des principaux acteurs sanitaires régionaux n'est oublié dans ces comités locaux, qu'il s'agisse des caisses d'assurance-maladie, des services déconcentrés de l'Etat (DRASS), de l'ARH, de l'union de médecins libéraux ou de l'observatoire régional de la santé. La tâche la plus ingrate (mais aussi la plus utile) incombe à ces conseils, à savoir le recensement et la coordination des travaux et études statistiques dans chaque région.
Indicateurs d'alerte nombreux
L'Observatoire doit relever un défi immense. Même s'il n'y a jamais eu autant de professionnels de santé qu'aujourd'hui, « l'ensemble des acteurs dit rencontrer des difficultés de plus en plus importantes dans son exercice public ou privé, salarié ou libéral quel que soit son lieu d'exercice, zone urbaine ou zone rurale », constatait à la fin de 2002 le rapport Berland. Vieillissement du corps médical, féminisation qui augmente le temps partiel, consumérisme sanitaire auquel s'ajoute l'allongement de l'espérance de vie, réduction du temps de travail, multiplication des contraintes administratives ou légales... : les raisons d'annoncer un fort « risque démographique » à court ou moyen terme sont bien connues. Les indicateurs d'alerte sont déjà nombreux, qu'il s'agisse de pénuries dans les établissements hospitaliers, de files d'attente qui se créent pour certaines spécialités en ville et, bien sûr, de désertification des zones rurales. Le temps presse, notamment chez les médecins libéraux, dont la densité diminuera fortement dans les années à venir. L'Observatoire, précise le décret, devra non seulement rassembler les données éparses, mais aussi élaborer un rapport annuel qui « rend compte au ministre des travaux effectués, analyse la situation des effectifs et précise les perspectives d'évolution des différentes professions de santé ». Des groupes de travail pourront être constitués. A charge ensuite au gouvernement de prendre les mesures ciblées adaptées.
Du côté des professionnels de santé, la satisfaction se mêle à la prudence. « Cet outil était indispensable car, si on ne fait rien de sérieux pour réaliser le maillage du territoire, c'est la CNAM qui s'en chargera... », estime le Dr Jacques Reignault, président du Centre national des professions de santé (CNPS). Pour autant, il regrette que l'Etat garde la haute main sur tout le dispositif. Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, se réjouit de ce que « le ministre se dote d'un outil d'observation, de conseil et de communication structuré et, je l'espère, efficace ». Lui aussi constate qu' « il ne s'agit en aucun cas d'une instance démocratique représentant la profession, plutôt d'une cellule ministérielle formalisée ». Pour le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), « le fait d'avoir créé une structure légère sous l'égide du ministre n'est pas choquant, notamment parce que le numerus clausus relève du gouvernement ». Mais il attend de voir dans quelle mesure « les libéraux auront leur mot à dire ».
La composition
Le ministère de la Santé a nommé les membres de l'Observatoire.
Président : Yvon Berland, doyen de la faculté de médecine de Marseille, et qui a conduit la mission « Démographie des professions de santé ».
Quatre membres de droit :
- le directeur général de la Santé ou son représentant ;
- le directeur de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins ou son représentant ;
- le directeur de la Sécurité sociale ou son représentant ;
- le directeur de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques ou son représentant.
Trois représentants des Ordres :
- Jean Langlois ;
- Jean-Luc Audhoui ;
- Jacques Massonnaud.
Un représentant des caisses : Alain Pelc (MSA).
Une infirmière : Danièle Gelly.
Un expert des systèmes de santé : Christian Prieur, membre de la Cour des comptes.
Un interne en médecine générale : Anthony Annereau (président de l'ISNAR).
Un représentant des organismes de recherche en sociologie et analyse de l'offre de soins : Dominique Polton (CREDES).
Un représentant des patients : Claire Compagnon (Collectif interassociatif).
Un représentant du CNPS :
Marie-Hélène Abadie (vice-présidente du CNPS et du syndicat des orthoptistes).
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