On sait qu'une consommation légère à modérée d'alcool est associée à une diminution du risque de maladie coronarienne, d'AVC ischémique et de mortalité globale, que ce soit chez l'homme ou chez la femme. Comme, de plus en plus, il semble que les maladies vasculaires sont associées à un déficit cognitif ou à une démence, il est légitime de penser que l'alcool à doses modérées peut aussi réduire le risque de démence et d'Alzheimer (alors que de fortes consommations sont en revanche neurotoxiques).
On se rappelle qu'une étude française (PAQUID), conduite auprès d'une population bordelaise âgée, a récemment montré une association inverse entre la consommation de vin et le risque de démence (Orgogozo, Dartigues, Lafont et coll., « Rev Neurol », Paris, 1997). Depuis, une équipe néerlandaise a cherché à quantifier la relation entre la consommation d'alcool et le risque de démence et les sous-types de démence, et cherché à savoir si l'effet varie en fonction du type de boissons alcoolisées.
Ce travail fait partie de la « Rotterdam Study », qui porte sur 7 983 patients âgés de 55 ans ou plus.
Un questionnaire portait sur les apports alimentaires (170 items) et tous les types de boissons, y compris le thé, le café et les boissons alcoolisées. Les sujets devaient indiquer leur consommation de diverses boissons alcoolisées : vin, bière, alcool fort, vin apéritif (type Sherry ou Porto).
Les effets de l'âge, du sexe, du niveau d'éducation, du tabagisme et du génotype apoE étaient pris en compte.
Tous les types de boissons alcoolisées
Au total, les analyses ont porté sur 32 341 personnes-années (suivi moyen de six ans). Au cours du suivi, 197 participants ont développé une démence (incidence : 6,1/1 000 personnes-années) : 146 cas d'Alzheimer (74 %) - dont 12 avec maladie cérébro-vasculaire -, 29 cas de démence vasculaire, 22 cas d'autres démences (dont 8 cas de démence de maladie de Parkinson).
Il est apparu que la consommation d'alcool est associée à un plus faible risque de démence : par rapport à l'absence de consommation d'alcool, une consommation légère à modérée (de un à trois verres par jour) est associée à un moindre risque de démence ; le ratio est de 0,58 pour tous les types de démence et de 0,29 pour la démence vasculaire ; l'âge, le tabagisme et le niveau d'éducation n'ont pas d'influence significative sur ces résultats.
Il n'a pas été retrouvé d'influence du type de boisson alcoolisée.
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer la relation inverse observée dans cette étude entre le risque de démence et la consommation légère à modérée de boissons alcoolisées. Première possibilité : l'alcool pourrait agir en réduisant les facteurs de risque cardio-vasculaire, soit par le biais de l'action de l'éthanol sur l'agrégation plaquettaire, soit par une modification du profil lipidique.
L'acétylcholine dans l'hippocampe
Autre possibilité : l'alcool pourrait avoir un effet direct sur les fonctions cognitives par le biais d'une libération d'acétylcholine dans l'hippocampe. En effet, l'acétylcholine favorise l'apprentissage et la mémoire. Chez le rat, l'effet de l'alcool à ce niveau est biphasique : de petites doses d'alcool stimulent la libération d'acétylcholine, alors que des doses plus élevées l'inhibent. Ce mécanisme pourrait, dès lors, expliquer pourquoi, chez l'homme, des doses de 1 à 3 verres par jour réduisent le risque de démence, alors que des doses plus élevées ne le diminuent pas.
La différence entre ce travail néerlandais et l'étude française PAQUID porte sur la nature des boissons ingérées : l'étude PAQUID soulignait l'effet bénéfique du vin ; ce nouveau travail met en avant tous les types de boissons alcoolisées. Comment expliquer la différence ? Selon les auteurs néerlandais, peut-être par le fait que le vin était la seule source d'alcool de plus de 95 % des buveurs réguliers participants à l'étude PAQUID.
Enfin, les auteurs soulignent que leurs résultats concordent avec ceux de la récente « Canadian Study of Health and Aging » et ceux de plusieurs études sur les maladies coronariennes.
Annemieke Ruitenberg et coll. « Lancet » du 26 janvier 2002, pp. 281-286.
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