Plus de 20 % des patients atteints de sida développent une démence liée au VIH, résultant d'une dégénérescence neuronale. Le mécanisme pathogénique de cette neurodégénérescence liée au VIH restait un mystère. Dans le cerveau, le VIH1 infecte principalement les macrophages et les cellules de la microglie, mais pas les neurones. Personne n'avait encore réussi à identifier les facteurs neurotoxiques et les voies précises entraînant la mort des neurones au cours de l'infection par le VIH.
Une équipe dirigée par le Dr Christopher Power, de l'université de Calgary (Alberta, Canada), a maintenant identifié la voie neurotoxique in vivo et laisse entrevoir la possibilité d'un traitement. Leurs travaux sont publiés dans « Nature Neuroscience ».
Les chercheurs montrent que l'infection des macrophages par le VIH stimule la libération de la métalloprotéinase de matrice 2 (MMP2), laquelle est activée au contact des neurones. Cette métalloprotéinase activée clive le SDF-1 (stromal-derived factor 1), une chimiokine surexprimée par les astrocytes durant l'infection par le VIH, en une protéine SDF-1 tronquée qui se révèle extrêmement neurotoxique in vitro et in vivo.
Une protéine tronquée très neurotoxique
Cette protéine SDF-1 tronquée (5-67), qui se révèle ainsi être une nouvelle cytotoxine, entraîne la mort par apoptose des neurones ( via un récepteur couplé à la protéine G), mais n'affecte pas la viabilité des autres cellules du SNC.
Les chercheurs ont confirmé in vivo la neurotoxicité du SDF-1 tronqué (5-67). Lorsque cette molécule est implantée dans le striatum des souris, le SDF-1 tronqué (5-67) cause une mort neuronale et une inflammation, corrélées à des déficits neurocomportementaux.
Enfin, « clou » de cette recherche, cette neurotoxicité peut être considérablement abolie par un prétraitement, avec un anticorps neutralisant le SDF-1 tronqué (5-67), ou par le Prinomastat, un inhibiteur de la MMP.
« Par conséquent, cette étude identifie une nouvelle voie neurotoxique in vivo », récapitulent les chercheurs. « Dans cette voie, le clivage d'une chimiokine par une métalloprotéinase activée entraîne une apoptose neuronale qui aboutit à la neurodégénérescence. »
Cela souligne, remarquent-ils, la nécessité d'une stratégie thérapeutique qui cible l'entrée du virus et son expression protéique dans les macrophages et les cellules de la microglie. Cette stratégie stopperait la cascade du signal qui provoque la libération de molécules tels le MMP-2 et le SDF-1, qui déclenchent la mort neuronale.
« Cette étude montre pour la première fois qu'une métalloprotéinase activée peut induire une neurodégénérescence », soulignent-ils. Ce nouveau mécanisme pourrait peut-être intervenir dans d'autres maladies neurodégénératives.
L'élucidation de cette voie apoptotique met en lumière une nouvelle cible thérapeutique pour la démence liée au VIH.
Un traitement en essai de phase III
« Des inhibiteurs synthétiques de MMP, tels que le Prinomastat, qui sont déjà évalués en essai clinique de phase III pour le traitement du cancer, pourraient peut-être être bénéfiques », déclarent les chercheurs. Ils préconisent d'étudier les inhibiteurs de MMP, non seulement pour le traitement de la démence liée au VIH, mais aussi pour d'autres maladies neurodégénératives.
« Nature Neuroscience » du 21 septembre 2003, DOI: 10.1038/nn1127.
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