D EUX mille personnes de plus de 75 ans se suicideraient chaque année en France, faisant du taux de suicide français, dans la tranche d'âge entre 75 et 79 ans, l'un des plus élevés d'Europe.
Parmi les patients suicidaires âgés, ceux qui sont atteints de démence seraient sous-représentés, bien que leur nombre augmente nettement avec l'âge. En effet, les troubles cognitifs construiraient un frein au passage à l'acte suicidaire en entraînant à la fois une atteinte de la capacité de jugement rationnel du patient sur son état et une impossibilité à planifier et à mettre en place un acte suicidaire.
Dans une métaanalyse sur le suicide et les troubles mentaux (tous âges confondus) portant sur 249 références publiées entre 1966 et 1993, une élévation du risque suicidaire est constatée dans l'ensemble des 44 troubles mentaux étudiés, à l'exception du retard mental et de la démence. « Seules deux circonstances cliniques pourraient favoriser un geste suicidaire chez le dément : les symptômes dépressifs sévères inaugurant la maladie (selon les auteurs du DSM IV, "des tentatives de suicide peuvent survenir dans la démence, notamment au début de l'évolution, lorsque le sujet peut encore mener un plan d'action à son terme") ou les crises d'agitation qui en compliquent fréquemment l'évolution », nuance le Dr Thierry Gallarda (CH Sainte-Anne, Paris). Les gestes suicidaires des déprimés âgés qui craignent d'être atteints de la maladie d'Alzheimer, en présence d'un handicap cognitif marqué, seraient beaucoup plus fréquents. Ces gestes suicidaires frapperaient plus souvent les patients qui ont investi dans leur activité intellectuelle.
De 8,4 à 26 % des gestes suicidaires
« Des travaux psychogériatriques sur les tentatives de suicide et les suicides accomplis par des sujets âgés (plus de 60 ans) ou très âgés (plus de 80 ans) permettent de nuancer ces données », explique le Dr Gallarda. Dans deux études menées à l'hôpital général,de 8,4 à 26 % des gestes suicidaires seraient accomplis par des patients atteints de démence. Par ailleurs, lorsqu'on les interroge directement à ce sujet, 2 % des patients atteints de démence débutante déclarent « souhaiter la mort ». Cette proportion s'élève jusqu'à 30 % après un entretien avec les aidants, au moyen d'instruments d'évaluation standardisés, et 9 % des déments feraient des menaces de suicide auprès de leurs proches au moins une fois par semaine. « Certains profils neuropsychologiques (altération des capacités de résolution de problèmes et "rigidification") et neurobiologiques (augmentation du taux rachidien de 5 HIAA, métabolite de la sérotonine) pourraient majorer le risque de passage à l'acte », analyse le Dr Gallarda.
Ces dernières données tendent à postuler l'existence d'un lien entre le degré d'atteinte des circuits sérotoninergiques par le processus démentiel et le risque de survenue d'un comportement suicidaire.
Les facteurs environnementaux semblent tout aussi importants dans la compréhension physiologique (« autopsie psychologique ») du suicide d'un patient atteint de démence.
A ce titre, les suicides seraient relativement rares au sein des institutions, mais la période précédant le placement constitue une période à haut risque : l'institution peut être vécue comme « l'antichambre de la mort ». Plus fréquents sont les multiples équivalents suicidaires qui prennent la plupart du temps la forme de décompensations somatiques sévères et d'états régressifs majeurs.
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