Lésions excoriées
L'examen clinique du patient décèle des lésions excoriées du dos du pied et la présence de quelques formations vésiculo-nodulaires de la plante du pied (cf. cliché 1), ainsi que des lésions excoriées de la face externe du genou gauche (cf cliché 2). Le reste de l'examen se révèle normal.
Sa mère explique que son frère de 13 ans a également un prurit interdigital, tandis que son père a noté l'existence d'un prurit testiculaire associé à des lésions ulcéro-suintantes au niveau du prépuce. Ces manifestations sont apparues dans le même intervalle de temps que celles de Lucas.
Quels diagnostics peuvent être évoqués dans cette situation ?
Les lésions observées de type vésiculeuses et prurigineuses peuvent en premier lieu évoquer une dyshidrose. Cependant, il est difficile de rattacher les manifestations cliniques de Lucas à celles de son père et de son frère dans ce cadre.
Le syndrome « pied main bouche », lié au virus Coxsackie, peut également être rejeté compte tenu de la durée de l'éruption (plusieurs semaines), de l'absence d'hyperthermie, ainsi que de la localisation unique plantaire de cette éruption.
La syphilis congénitale peut donner des manifestations papuleuses squamo-croûteuses ou érosives palmo-plantaires. Généralement, cette forme est très précoce et apparaît en fin de grossesse. De plus, elle ne s'accompagne pas de cette notion de prurit intense touchant également la jambe. D'autre part, ce diagnostic ne permet pas de comprendre, comme précédemment, les manifestations cliniques des autres membres de la famille.
Un autre diagnostic doit également être évoqué ; il s'agit de l'acropustulose infantile. Il s'agit d'une éruption vésiculopustuleuse des paumes et des plantes du nourrisson très prurigineuse pouvant s'étendre au visage et sur le tronc. Outre le fait qu'il n'y pas d'atteinte des paumes dans notre cas, trois membres d'une même famille présentent un prurit apparu en même temps.
La notion de contagiosité doit être évoquée et, compte tenu des caractéristiques des lésions, le diagnostic de gale est le premier à envisager. Un interrogatoire plus ciblé du frère a ainsi permis de savoir qu'il fréquentait un internat fermé pour cause d'épidémie de gale.
La gale de l'enfant
La gale est une dermatose contagieuse infectieuse caractérisée par un prurit intense généré par des ectoparasites ; les Sarcoptes scabiei.
La transmission directe est responsable de 95 % des contaminations. Ce parasite (la femelle) vit dans l'épiderme, y creuse un sillon où elle dépose ses oeufs.
Le cycle parasitaire est de 20 jours. Après une phase d'incubation silencieuse de 3 ou 4 semaines apparaissent les manifestations cliniques de la phase d'état :
– un prurit intense, surtout nocturne ;
– des sillons scabieux, élément pathognomonique de cette pathologie ;
– un chancre scabieux génital ;
– des lésions de grattage, non spécifiques ;
Chez l'enfant, de nombreuses formes cliniques existent : des éruptions ubiquitaires de type vésiculo-nodulaires sont souvent présentes sur les plantes, les aisselles, les fesses, l'ombilic, le cuir chevelu et le visage.
Des lésions de type bulleux sont retrouvées au niveau de la tête ou du visage.
Dans le cadre d'une immunodépression chez l'enfant, ou présentant des carences nutritionnelles, on peut observer une gale profuse hyperkératosique dite de type norvégienne, s'étendant sur tout le corps. Cette forme clinique se révèle extrêmement contagieuse.
Tout comme chez l'adulte, l'enfant propre peut présenter comme seul signe clinique, un prurit. Chez le très jeune enfant, le prurit peut être absent, ce réflexe étant acquis tardivement.
Le sillon
L'interrogatoire reste l'élément crucial pour établir le diagnostic de gale.
La découverte du sillon est pathognomonique.
Il est également possible pour avoir une certitude diagnostique de rechercher la femelle et ses oeufs en grattant à l'aide du vaccinostyle un sillon (test à l'encre imprégnant électivement des sillons de gale).
Le traitement
Il est surtout local chez le jeune enfant (le traitement par voie générale, ivermectine, est réservé aux formes sévères et aux enfants de plus de 15 kg).
Le traitement local repose sur l'utilisation de benzoate de benzyle ou du benzochloryl. L'enfant doit dans un premier temps être douché. L'hygiène des ongles, foyers potentiels du parasite, est indispensable. Après séchage, le corps, à l'exception du visage, doit être badigeonné avec un pinceau plat. Quinze minutes après séchage, une deuxième application doit être effectuée. Le lendemain, une troisième application est réalisée sans lavage.
Le troisième jour, la peau est abondamment rincée au savon doux.
Une semaine après, il est conseillé d'effectuer une nouvelle application du traitement local.
Tout objet en contact avec l'enfant doit être nettoyé systématiquement. Toute personne contact doit être protégée par des gants. Ce port des gants ne dispense pas du lavage des mains.
Le linge doit passer à la machine à laver à 60°. Si les fibres textiles se révèlent trop délicates, le linge doit être désinfecté avec un aérosol scabécide.
Enfin, il faut impérativement traiter les sujets en contact et les autres membres de la famille contaminés (comme dans notre situation clinique). Le prurit peut persister plusieurs semaines après l'administration du traitement.
Conclusion
Le diagnostic de gale est parfois difficile, il repose surtout sur l'interrogatoire (notion de contagiosité) et l'inspection. Le traitement est avant tout local et doit toujours être associé au respect des règles d'hygiène (se laver les mains, se couper les ongles court, porter des gants lors d'un contact avec un sujet infecté, désinfecter le linge).
ROLAND BRICHE (2)(1) Médecin généraliste, 66650 Banyuls-sur-Mer.(2) Dermatologue, 66000 Perpignan.
Bibliographie
(1) G. Rassner, manuel et atlas de dermatologie, édition Maloine, 2006.
(2) J.-L. Bonafe, L. Cambon, B. Christol, J. Lassère, E. Lopez, B. Periole. Dictionnaire de dermatologie pédiatrique. Edition Maloine, 2000.
(3) W. D. James, T. G. Berge , D. M. Elston. Andrews'diseases of the skin. Clinical dermatology, édition Saunders Elsevier, 2006.
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