MICHEL SPINOSA a toujours eu, avoue-t-il, de l'intérêt pour les histoires d'amour compliquées. Compliquées par la jalousie, par exemple. C'est le sujet de son troisième long métrage après « Emmène-moi » (1995) et « la Parenthèse enchantée » (2000). Pas n'importe quelle jalousie, ce serait facile et banal, mais celle de l'érotomanie, de l'illusion délirante d'être aimée. Et, pour ce faire, il s'est plongé dans un classique, « la Jalousie amoureuse », publié par le psychiatre-psychanalyste Daniel Lagache en 1947*. Puis il s'est rendu à la bibliothèque de la faculté de médecine, à Paris, pour consulter les nombreux livres, thèses et articles consacrés à ce passionnant sujet. Sa conclusion : «Ce sont des cas extrêmement fréquents! Et les comportements des érotomanes sont tous très ressemblants.» Ces lectures l'ont aussi convaincu que, «quand on tombe amoureux, on est tous un peu érotomanes: on est fébrile, on guette et on interprète la moindre parole, le moindre signe...».
Mais le cinéma, ce n'est pas une description clinique – d'autant que Spinosa voulait réaliser «un thriller intimiste»–, c'est d'abord raconter une histoire. Celle d'Anna**, jeune femme fragile, qui met son dévolu sur le médecin qui la soigne. Pour incarner cette fêlure fondamentale indissociable de l'énergie du délire amoureux, il fallait une comédienne prête à prendre des risques. Isabelle Carré n'a pas hésité à entrer dans ce rôle qui ne la montre pas toujours à son avantage et à jouer ce personnage avec lequel il est difficile de rester longtemps en empathie. La mise en scène de Spinosa ne joue pas seulement des dialogues, des situations, des visages, des lumières (un beau travail), mais aussi du corps de son interprète, qui exprime beaucoup de choses. « Anna M. », sans être tragique, est un film sombre. C'est tout le talent d'Isabelle Carré de faire croire à la folie menaçante de son personnage. Cela rend le spectateur moins compatissant qu'énervé par ce délire inaccessible au moindre raisonnement. Un peu agacé aussi par moments de voir l'actrice enlaidie. Mais on ne saurait reprocher au réalisateur sa réussite.
* Dernière édition, 1997, Puf.
** On pense évidemment à « Anna 0. », dont le cas est évoqué dans les « Etudes sur l'hystérie », de Breuer et Freud.
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