DEUX ÉQUIPES de Cincinnati (États-Unis) travaillant aux conséquences de l'intoxication par le plomb publient simultanément leurs études dans le revue en ligne « PLoS Medicine ». Toutes deux se sont penchées sur le devenir des enfants soumis à des doses trop élevées dès la vie intra-utérine et résidant dans des quartiers défavorisés de la ville. Pour l'une, il s'agissait d'évaluer les conséquences sur la délinquance ultérieure ; l'autre, plus clinique, s'est orientée vers le volume cérébral apprécié par l'IRM. Notons-le d'emblée, les deux travaux confirment l'action délétère du plomb.
Kim Dietrich et coll. ont donc cherché à établir une relation entre l'exposition au plomb et les arrestations policières. Il s'est agi d'un travail mené sur la durée, puisque des femmes enceintes ont fait l'objet de l'enrôlement entre 1979 et 1984. Elles résidaient dans des appartements concernés par des taux de plomb élevé. Ainsi 250 nouveau-nés ont fait l'objet du suivi. Les plombémies ont été mesurées d'abord au cours de la grossesse, puis chez l'enfant jusqu'à l'âge de 6,5 ans. Il a fallu attendre ensuite octobre 2005 ou jusqu'à ce que les participants aient 18 ans pour confronter les plombémies avec les registres de police.
Majoration du risque d'arrestation.
L'analyse est parlante. L'exposition à des taux élevés de plomb in utero ou dans l'enfance majore le risque d'arrestation, pour quelque raison que ce soit. Plus spécifiquement, pour chaque élévation de la plombémie de 5 µg/dl, le risque d'être arrêté, à l'âge adulte, pour un délit avec violence est majoré de 50 % (RR : 1,48).
Avant de tirer des conclusions prématurées, les chercheurs admettent que ce genre de travail connaît des limitations : tous les comportements délictueux ne conduisent pas à une arrestation ; le QI des délinquants n'a pas été évalué. Or il est connu que le plomb réduit l'intelligence, un facteur de délinquance en soi.
Dans ce domaine des fonctions cérébrales, les connaissances demeurent restreintes quant aux atteintes cérébrales. C'est pourquoi une autre équipe de Cincinnati (Kim Cecil et coll.) s'est penchée sur l'IRM. Ici encore, des adolescents de quartiers défavorisés ont été enrôlés. Ils ont été 157, de 15 à 17 ans, à accepter l'examen. Durant leur petite enfance, leur secteur de résidence était à fort taux de plomb.
L'imagerie montre une action néfaste du métal sur le développement du cerveau. Plus l'exposition a été élevée, plus la perte de volume cérébral est importante. Certaines zones sont plus touchées que d'autres. Il s'agit de celles responsables des fonctions exécutives (organisation, décision, comportement) et du contrôle des mouvements fins.
Un constat qui inquiète les auteurs, puisque les effets liés à l'intoxication par le plomb consistent en des atteintes structurelles permanentes.
« PLoS Medicine », 5 (5) : e101 et e112.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature