Puisque, paraît-il, n’y a plus assez de médecins, qu’ils sont débordés, et que l’exercice est à la pluridisciplinarité, une solution s’impose : déléguer des actes médicaux à des non-médecins paramédicaux ou autres.
La priorité en matière de délégation de tâche, c’est l’administratif qui pollue en temps et relation humaine l’acte médical. Rien n’est proposé pour cette délégation de tâche. Les délégations de tâche, en fait de compétence, à des non-médecins, sont imposées au médecin traitant. Le patient est quasi convoqué directement par une structure type sophia pour les diabétiques, ou invité à aller ailleurs que chez son médecin traitant type vaccination, tabac, suivi AVK et volontiers détourné du suivi par son médecin traitant pour être « embarqué » dans d’autres parcours de soins. Paradoxal quand on demande le tri par le médecin traitant pour l’accès à d’autres médecins. Toute délégation de tâche ou de compétence ne devrait être faite qu’à l’initiative du médecin notamment généraliste traitant seul en position pour déterminer au mieux quel patient a besoin ou non des systèmes de délégation, quel type de délégation, quand, comment, pour quoi faire.
Un acte médical, c’est faire un questionnement biomédical, social, psychologique ; palper, ausculter ; surveiller un traitement ; faire un geste technique ; appliquer un protocole de conduite à tenir ; manager une équipe, un parcours de soins. On peut protocoliser et déléguer morceau par morceau tout cela à des techniciens, paramédicaux ou non, formés à une ou plusieurs de ces tâches. Certains médecins trouvent bénéfice à amputer une partie de leur champ de mission, par manque d’intérêt, par mal-être dans ces champs, par manque de rentabilité ou parce qu’il est plus rentable de sous-traiter à un salarié pour faire ce travail ou pour une structure de décomposer l’acte en multiples petites tâches chacune spécifiquement rémunérées. La collectivité peut y voir une diminution des coûts en substituant un professionnel par un autre moins rémunéré, bien que cela n’ait jamais été démontré et encore moins dans un système où le médecin généraliste condense en un seul acte plusieurs prestations. En fait c’est une coquecigrue pseudo-moderne sur le soin et la santé que de prétendre maîtriser la nature humaine sa globalité, son unicité, sa temporalité via une approche purement technique morceau par morceau.
Voir les choses ainsi est défendable. Mais il faut assumer ce choix sociétal qu’est le passage d’une médecine artisanale et de médecin traitant « d’Homme à Homme » vers une médecine industrielle « de mise en équation de l’Homme » et de structure traitante « d’Homme à structure ». C’est une richesse d’avoir un système basé sur un médecin généraliste traitant personnalisé par rapport à un système composé que de spécialistes d’organes, de pathologies, de sexe ou d’âge associés à des techniciens paramédicaux ou non. Sans globalité, sans continuité, sans personnalisation de la relation patient-médecin, il n’y a pas de médecine générale efficace donc utile dans un système de soins. Or ceci n’existe que par la fréquence des contacts médecin-patient, elle-même conséquence de la mission premier recours et prise en charge globale. Amputer ces dimensions et le reste s’écroulera.
Les délégations de taches de la loi Touraine sont une mise à mort de la médecine générale dans son essence et, pour les patients, l’entrée dans une dimension relationnelle humaine tout autre avec les soignants.
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