Classique
La plus célèbre statue de Degas, la Petite Danseuse de quatorze ans, qui excita les sarcasmes quand elle fut présentée à l'Exposition de peinture impressionniste de Paris de 1881, a une véritable histoire. Celle de son ou, plutôt, ses modèles possibles, les trois surs Van Goethem, danseuses du Ballet de l'Opéra de Paris, aux destinées divergentes.
Cette histoire a été reconstituée grâce à une véritable enquête menée par Martine Kahane, responsable des services culturels de l'Opéra de Paris et anciennement directrice de sa Bibliothèque-Musée.
Ainsi est venue l'idée à Brigitte Lefèvre, directrice de la danse, de réunir une équipe autour de l'histoire de Marie Van Goethem, l'une des trois surs, pour en faire un nouveau ballet digne de l'Opéra de Paris. Ainsi Patrice Bart, maître de ballet, et Martine Kahane élaborèrent-ils un scénario, l'enrichissant de personnages du monde de la danse, typiques de l'époque, et commande fut passée à Denis Levaillant d'une partition originale.
L'histoire, un roman noir à la Zola, mène l'héroïne de la classe de danse à la prison de Saint-Lazare, en passant par des avatars qui donnent lieu à des scènes souvent très pittoresques, comme un Bal à l'Opéra ou le Cabaret du Chat Noir à Montmartre, évoqués par des décors très finement stylisés d'Ezio Toffolutti. Le clou de la réalisation, ce sont les costumes, plus de deux cents, tous absolument magnifiques, de Sylvie Skinazi, qui mériteraient de longues descriptions tant par leur beauté individuelle et leur facture d'un luxe insensé, que par la réussite d'ensemble, créant - grâce aussi aux éclairages savants de Marion Hewlett - de véritables tableaux vivants, comme au bal, au cabaret et, pour la scène finale, celui des blanchisseuses.
Une belle et difficile partition
La partition de Denis Levaillant mérite aussi beaucoup d'éloges. Utilisant l'orchestre classique enrichi de quelques instruments typiques de l'époque, comme l'accordéon, le saxophone ténor, et même d'autres, plus rares aujourd'hui, relégués au musée et destinés à donner leur couleur individuelle à certains personnages, comme le hautbois d'amour et le contrebasson. Haute en couleur et riche rythmiquement (le jazz est l'influence la plus perceptible), elle est tout au long de la soirée un soutien d'une efficacité parfaite à ce que l'on voit sur scène.
Patrice Bart a créé une chorégraphie très riche, parfois un peu trop, et privilégiant les personnages annexes comme le Maître de ballet ou la Danseuse Etoile, mais les mouvements d'ensemble sont magnifiques et la caractérisation des personnages principaux, notamment de la Petite Danseuse, est parfaite.
Un seul reproche, et de taille, la structure de l'ensemble n'est pas d'une grande rigueur, et quelques longueurs font regretter que l'on n'ait pas songé à faire un ballet sans interruption, une succession de tableaux selon un procédé plus cinématographique comme s'applique si bien à le faire la musique de Levaillant.
Plusieurs distributions ont alterné pendant la courte série de onze représentations. Celle que nous avons vue était impeccable, chaque interprète collant idéalement à son personnage et, en premier lieu, Laëtitia Pujol qui trouve dans le rôle de la Petite Danseuse sa meilleure composition depuis qu'elle fut nommée étoile il y a juste un an. Agnès Letestu est plus vraie que nature dans son rôle de danseuse étoile, dont elle se joue avec grâce de toutes les difficultés. Jean-Guillaume Bart prendrait-il trop au sérieux celui du Maître de ballet ? Il le danse avec son habituelle excellence technique, mais avec froideur et sans aucune distance. Wilfried Romoli est comme toujours parfait dans les rôles ambigus, et celui de l'Homme en noir, personnage omniprésent dans les peintures de Degas et devant ici symboliser le destin de la danseuse, lui va comme un gant.
Géraldine Wiart, qui n'est que sujet dans la hiérarchie du ballet, tient avec le rôle de la Mère son premier grand rôle qu'elle ne traite pas en silhouette, mais avec beaucoup de personnalité et de sens dramatique.
Dirigé par Ermanno Florio, l'Orchestre de l'Opéra de Paris a joué avec un formidable entrain cette belle et difficile partition, élément clé d'un spectacle en effet digne de la maison qui lui a donné le jour.
Opéra de Paris (08.92.89.90.90). Prochain spectacle : spectacle de ballets de Maurice Béjart (« Oiseau de feu », « Mandarin merveilleux », Webern opus 5, Phrases de Quatuor) jusqu'au 19 juin à l'Opéra Bastille.
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