Déconventionnements : l'indulgence de l'Ordre

Publié le 25/05/2003
Article réservé aux abonnés

Face à la vague de déconventionnements massifs qui déferle sur plusieurs départements (« le Quotidien » du 19 mai), notamment dans le Grand Ouest où des centaines de médecins ont décidé de franchir le pas, l'Ordre des médecins a décidé de ne surtout pas jeter de l'huile sur le feu, évitant de commenter des décisions « individuelles ».

Muets, indulgents ou carrément solidaires, comme dans le Rhône, les responsables des conseils départementaux ordinaux estiment que le mouvement de déconventionnement qui semble faire tâche d'huile (voir encadré) ne concerne pas directement l'institution ordinale mais chaque praticien, les syndicats, les coordinations locales et, bien sûr, les caisses primaires.

«La déontologie, ce n'est pas être esclave des caisses»

Dans les départements à la pointe du mouvement de sécession des spécialistes, le discours des responsables ordinaux (parfois très proches des syndicats protestataires ou des coordinations) est, sinon conciliant, du moins compréhensif. « L'Ordre ne peut pas se substituer aux syndicalistes et n'a pas à commenter des décisions qui ne sont pas contraires à la déontologie », explique le Dr Laude-André Neveur, secrétaire général du conseil ordinal d'Indre-et-Loire. A l'instar de l'application élargie du DE, le déconventionnement à l'initiative du médecin est d'abord considéré comme un « moyen de pression ». Parmi d'autres. Vice-présidente du conseil de l'Ordre des Pyrénées-Atlantique, le Dr Sylvie Harmant entend elle aussi le désarroi des spécialistes. « Nous ne prenons pas position sur les déconventionnements. Notre seule attitude a été de défendre les médecins qui ont reçu (de la caisse) des lettres désagréables à la suite de dépassements d'honoraires. Je comprends la rancœur de certains médecins quand il y a un refus général de prendre en compte leurs difficultés. » En Mayenne, le Dr Philippe Venier, président de l'Ordre départemental, est encore plus clair. « La déontologie, c'est donner des soins de qualité à tout le monde, ça ne veut pas dire être l'esclave des caisses, précise-t-il. A partir du moment où les médecins ne refusent pas les consultations, on n'a rien à dire. Les opthalmos, par exemple, doivent assumer des investissements très coûteux : comme les honoraires sont bloqués depuis 1995, ils cherchent à faire flancher les caisses. C'est peut-être une action en désespoir de cause mais ce n'est pas à nous de juger... »
Même empathie à l'Ordre du Calvados, département où les spécialistes sont particulièrement remontés depuis des mois. Le Dr Pierre Simon, président du conseil ordinal, affirme que « le déconventionnement est d'abord un problème avec les tutelles ». Quant à la déontologie médicale, « ellepeut être respectée par les médecins sans la Sécu ». Il n'est donc pas surpris de la confraternité des responsables ordinaux locaux. « Ce qui importe, c'est que les patients soient bien soignés mais à force de serrer les écrous sur la médecine libérale, certains médecins n'ont tout simplement plus les moyens d'exercer leur art : la compréhension est donc naturelle ».
Plus rares, certains responsables ordinaux estiment que le mouvement de déconventionnement risque de créer progressivement une situation « anormale » et d'inquiéter les patients les plus démunis . « Même si les déconventionnements à l'initiative des spécialistes ne reposent sur aucune base légale (juridiquement, le règlement conventionnel minimal actuel ne permet pas aux médecins de rompre le contrat dès lors qu'ils y ont adhéré initialement), ces annonces à la chaîne sont un peu regrettables », ose un président de conseil ordinal. Pour l'instant, l'institution n'en dira pas plus.

Lire aussi :
Dans le Rhône, soutien à la sédition
Le Pr Langlois : « La profession est en rupture psychologique »

Cyrille DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7341