Si elle est sinistrée en matière de santé, la région Nord-Pas-de-Calais apparaît aussi comme un formidable réservoir pour innover et expérimenter. Le directeur de l’ARS, Daniel Lenoir, l’a souligné : « La région a des indicateurs souvent 50 ou 60 % inférieurs à la moyenne nationale. Ce n’est pas lié à une insuffisance de moyens en matière de soins, mais à un fort taux de morbidité, une forte précarité et un recours souvent très tardif aux soins. » Il faut dire qu’ici, les problématiques sanitaires croisent les questions sociales de façon plus fréquente encore que dans le reste de l’Hexagone. Une raison supplémentaire, s’il en était besoin, de trouver les clés d’un décloisonnement efficace.
Descendre du piédestal
Un des axes de travail principal de la région est donc de « décrire avec les acteurs et les usagers les raisons des recours tardifs et des ruptures de soins pour trouver les réponses à adapter », explique le représentant de l’ARS. N’oublions pas que l’objectif est de replacer le patient au cœur d’un parcours qui lui est adapté et avec lequel il est en phase, a rappelé en substance Mohamed Abdelatif, membre du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) régional. Aussi, « c’est aux professionnels de descendre de leur piédestal, et de s’adapter au patient et à son rythme », a reconnu Jean-Pierre Beugin, cardiologue. Cette recommandation reste une raison d’être pour de nombreuses initiatives régionales : celle du groupement de coopération sanitaire (GCS) fondé entre hôpitaux publics et privés, et avec les unités locales de soins autour du CH de Valenciennes par exemple, qui a créé une plateforme pour gérer les situations cliniques complexes, garantissant une prise en charge pluridisciplinaire. Celle du CHRU de Lille qui met en place des comités communs avec la médecine de ville pour améliorer la prise en charge des patients dans le domaine de la cancérologie urologique et sénologique. Ou encore celle de la plateforme santé Douaisis, qui se positionne comme une structure d’appui locale située entre la médecine générale et le second recours et qui vise notamment à prévenir et réduire hospitalisations et réhospitalisations chez les patients en situation médicale ou sociale fragile ou complexe. Toutes ces initiatives jettent les ponts entre structures et entre professionnels.
L’effet système
Les exemples en territoire ne manquent pas. Pourtant, malgré le dynamisme et le nombre des équipes impliquées, les projets en restent au stade expérimental sans transposition à plus large échelle. Pourquoi ? « Il y a un terrible effet système, a résumé Édouard Couty en guise de conclusion. D’un côté, l’hôpital est tourné vers l’aigu, la technicité, l’hyperspécialisation. De l’autre, les libéraux travaillent en réseau, tandis que le domaine médico-social est plus impliqué sur le projet de vie que spécifiquement sur celui des soins. Il faut trouver une logique commune à tous ces professionnels, en articulant enfin leur logique institutionnelle. » Créér du lien, communiquer, fédérer, intégrer… « du discours, il faut aujourd’hui passer à la réalité », a-t-il conclu. Cela ne sera pas forcément facile : les difficultés économiques sont là, la culture propre à chaque corps de métier évolue lentement... aussi, l’enjeu se situe plus qu’on ne croit au niveau de la formation initiale des prochaines générations de professionnels. Quant au manque de moyens, il peut en partie être compensé par la substitution et le redéploiement, suggère Mohamed Abdelatif. « Plusieurs milliards d’euros, c’est l’ordre de grandeur financier des effets d’une mauvaise prise en charge du parcours de soins des personnes âgées dépendantes sur la seule dépense hospitalière », statuait le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie dans son rapport en mars dernier. Une fois encore, les sommes perdues dans la non-qualité pourraient en partie compenser les besoins des expérimentations innovantes, d’autant que celles-ci demandent au moins autant de « moyens en termes d’organisation et de bonne volonté », a souligné Jean-Marie Grosbois, coordonnateur de FormAction Santé.
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