Vingt-six maladies figurent désormais sur la liste des maladies à déclaration obligatoire (MDO). Parmi elles, l'infection à VIH, dès l'apparition d'une séropositivité. La déclaration obligatoire de séropositivité (DOS), dont le principe est admis depuis le décret de 1999, devient effective à partir d'aujourd'hui. Il aura fallu quatre ans de travail à l'Institut de veille sanitaire (InVS), en partenariat avec la direction générale de la Santé (DGS), les associations de défense des droits des personnes et les professionnels de santé pour que soient réunies les conditions de mise en oeuvre du dispositif de notification anonymisée.
En dehors de l'hépatite B aiguë qui bénéficie d'une procédure de déclaration identique à celle de l'infection à VIH, trois autres affections apparaissent dans cette liste en raison du risque de bioterrorisme : le charbon, la tularémie, les orthopoxviroses, dont la variole.
Le lancement du nouveau dispositif est l'occasion pour les autorités sanitaires de rappeler les grands principes de ce dispositif de surveillance.
Une liste établie par le ministère
L'inscription d'une maladie sur la liste des maladies à déclaration obligatoire fait l'objet d'une décision du ministre de la Santé rendue publique par décret, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF). Si des maladies sont retenues, c'est parce qu'elles justifient des mesures exceptionnelles à l'échelon international (peste, choléra, fièvre jaune, variole) ou qu'elles nécessitent une intervention urgente à l'échelon local, régional ou national (méningite à méningocoque, tuberculose...) et des mesures correctives pour agir sur la source (toxi-infection). Leur déclaration peut être nécessaire pour la surveillance épidémiologique : maladies graves (sida, légionellose...) et maladies émergentes ou mal connues (Creutzfeldt-Jakob). Dans tous les cas, la déclaration doit être acceptée par le milieu médical et par la société.
Signalement et notification
Deux procédures peuvent être mises en jeu. Le signalement est une procédure d'alerte qui permet au médecin inspecteur de santé publique de réagir rapidement et de mettre en place les mesures de prévention individuelle et collective. La notification intervient après le signalement pour toutes les maladies sauf l'infection à VIH/sida, l'hépatite B et le tétanos qui ne nécessitent pas d'intervention urgente des autorités. Son but est le suivi épidémiologique des MOD afin de mieux cibler les actions de prévention locales et nationales. L'infection à VIH, le sida et l'hépatite B bénéficient d'un renforcement de la confidentialité des données avec la mise en place d'une double anonymisation.
Des biologistes impliqués
Trois acteurs principaux participent au dispositif :
- Les déclarants : l'obligation de déclaration concerne aussi bien les biologistes, responsables des services hospitaliers et de laboratoires d'analyses publics et privés, que les médecins libéraux et hospitaliers. L'implication récente des biologistes vise à une meilleure exhaustivité des déclarations. Les médecins ont l'obligation d'informer sur la déclaration obligatoire individuellement chaque patient au moment de l'annonce du diagnostic. Des fiches d'information seront à sa disposition.
- Les médecins inspecteurs de santé publique (MISP), chargés de réaliser la surveillance des MOD au niveau départemental et qui sont le maillon central du dispositif.
- Les épidémiologistes de l'Institut de veille sanitaire. L'institut a pour mission générale de surveiller en permanence l'état de santé de la population. Dans le cadre du signalement, il peut apporter, en liaison avec les cellules interrégionales d'épidémiologie (CIRE), un soutien méthodologique aux acteurs locaux. Dans le cadre de la surveillance, les épidémiologistes centralisent les données, les analysent et les transmettent au pouvoirs publics avec des recommandations sur les mesures et actions à mettre en place. Sur la base de ces données, le ministère de la Santé, avec la DGS, définit les politiques de santé publique. L'InVS assure également la communication des informations auprès des acteurs du dispositif, de la communauté médicale et scientifique et du public.
Un guide d'information, « Déclarer, agir, prévenir », et un dépliant synoptique et pratique sur le dispositif de surveillance seront envoyés aux acteurs du dispositif, de même qu'un catalogue des fiches de déclaration. Sur le site de l'InVS (invs.sante.fr), existe également une rubrique « maladies à déclaration obligatoire ».
Sans les médecins, pas de veille sanitaire
Un entretien avec le Pr Gilles Brucker, directeur général de l'InVS
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
Pourquoi ce nouveau dispositif de surveillance des maladies à déclaration obligatoire ?
Pr GILLES BRUCKER
La déclaration obligatoire est un outil important de veille sanitaire. Le dispositif existe depuis plus de cent ans, institué par la loi du 15 février 1902 sur l'hygiène publique, et s'est enrichi de différentes maladies au cours de son histoire.
La déclaration se faisait de façon nominative, mais l'apparition dans les années 1980 de l'infection à VIH a constitué un tournant dans l'évolution du dispositif. Instaurée en 1982, la notification des cas de sida est devenue obligatoire depuis 1986. Le nombre de nouveaux cas de sida reflétait alors, avec un décalage de 4 à 10 ans, l'évolution du nombre de contaminations par le VIH. Depuis l'introduction des antirétroviraux, la surveillance des cas de sida ne suffit plus à déterminer la dynamique de l'épidémie. Il devenait important d'avoir des données sur le nombre de sérologies positives. La déclaration obligatoire de séropositivité a été validée par un décret de 1999, mais beaucoup d'associations de défense des droits des personnes et des malades se sont inquiétées de la constitution de fichiers de séropositifs et de possibles mesures discriminatoires. Contestation importante qui a obligé le Conseil d'Etat à casser le décret. Il fallait donc repenser le système afin de conjuguer les besoins de santé publique et la protection des droits des personnes. L'InVS a été chargée de conduire ce projet, avec la DGS et les associations.
Dérogation spéciale
Les associations ont-elles été impliquées dans l'élaboration du dispositif ?
La contestation des associations portait non sur le principe de la déclaration mais sur la vulnérabilité du recueil des données. Elles ont participé, au travers de 2 comités, à toutes les démarches qui ont conduit à la mise en uvre du dispositif. Un premier comité était chargé de définir les données nécessaires à une bonne surveillance épidémiologique. Certaines ont fait l'objet d'une dérogation spéciale de la CNIL (Commission informatique et libertés), en particulier les données sur les pratiques sexuelles et l'usage de drogues. La CNIL a par exemple refusé qu'apparaisse la nationalité à la naissance. Le deuxième comité de pilotage technique a, lui, travaillé sur le principe d'anonymat des personnes .
L'amélioration du dispositif ne concerne pas seulement l'infection à VIH ?
Le nouveau dispositif prend en compte un contexte plus général qui, non seulement a vu l'émergence de l'infection du VIH, mais aussi a révélé la nécessité d'une surveillance épidémiologique d'autres maladies comme l'hépatite B symptomatique. Mesurer son incidence aidera à mieux répondre aux questions que posent les politiques de prise en charge. Dans le cadre du bioterrorisme et de la protection des populations contre l'utilisation possible d'agents infectieux, la variole, le charbon et la tularémie sont également venus étoffer la liste des maladies à déclaration obligatoire. La modification des procédures de déclaration obligatoire a donc pour but d'améliorer le dispositif de surveillance et de garantir une meilleure protection de l'anonymat des personnes .
Les procédures de déclaration sont-elles identiques pour toutes les maladies ?
La nouvelle liste comprend désormais 26 maladies. La double procédure de signalement puis de notification reste valable pour toutes les maladies qui justifient une intervention urgente au niveau local. Le signalement doit s'effectuer sans délai auprès de la DDASS par tout moyen approprié (téléphone, fax). Leur notification s'effectue secondairement sur une fiche spécifique à chaque maladie. Sont concernées notamment la méningite, la tuberculose ou la syphilis, mais aussi toutes les autres maladies en dehors de l'infection à VIH, du sida, de l'hépatite B et du tétanos. Pour ce deuxième volet de la déclaration, l'anonymisation est réalisée par le médecin inspecteur de santé publique .
La signature biologique
Qu'en est-il du VIH et de l'hépatite B ?
L'infection à VIH, le sida et l'hépatite B aiguë ne font pas l'objet d'une procédure d'urgence (le signalement). La confidentialité des données lors de leur transmission (notification) a été renforcée grâce à une procédure de double anonymisation. Pour ces deux maladies, pour lesquelles la signature biologique est un élément clé, la surveillance épidémiologique sera déclenchée par le laboratoire. Dès que le diagnostic virologique est confirmé, le biologiste devra procéder à la transmission au médecin inspecteur de la DDASS des données en sa possession. L'anonymisation s'effectue grâce à un logiciel spécialement mis au point qui permet de transformer en un code irréversible à 16 caractères, l'initiale du nom, du prénom, la date de naissance et le sexe. Le médecin prescripteur de l'examen sérologique devra, grâce à ce code, transmettre à son tour une fiche d'information au médecin inspecteur. Ce dernier rassemble les deux fiches (biologique et clinique) et transmet à son tour ces données à l'InVS qui opère une ré-anonymisation grâce à un deuxième code à 16 caractères .
A quel moment ce dispositif devrait-il être opérationnel ?
Ce système d'anonymisation a bénéficié de la sécurité informatique au plus haut niveau du gouvernement puisque la Direction centrale du service informatique de Matignon a collaboré à sa mise en uvre. Techniquement, tout est en place pour que le coup d'envoi du dispositif, ce mercredi, se fasse dans les meilleures conditions possibles sur tout le territoire national, mais il faudra quelques semaines pour voir comment tout cela va fonctionner. Un premier bilan sera fait à la fin de l'année .
Des outils pour les médecins
Quel est le rôle des médecins ?
Le rôle des 150 000 médecins de France est essentiel. Une surveillance épidémiologique précise ne peut se faire sans des données de proximité. Sans la participation des médecins généralistes et des autres médecins libéraux, il ne peut y avoir de veille sanitaire. Une série d'outils précis, clairs et facilement compréhensibles sera diffusée aux biologistes des laboratoires et aux médecins hospitaliers et libéraux .
Qu'en est-il de la surveillance virologique de l'infection à VIH ?
C'est le deuxième aspect du dispositif de surveillance épidémiologique de l'infection à VIH. Cette surveillance virologique est une étude coordonnée par l'InVS et le laboratoire du Centre national de référence (CNR) du VIH du Pr Francis Barin, à Tours. La participation à cette étude est volontaire. L'autorisation doit être demandée par le médecin après information du patient.
Couplée à la notification obligatoire, cette surveillance a pour but de mieux orienter les actions de prévention en apportant des informations complémentaires sur les populations récemment infectées par le virus et donc sur la circulation précise du virus en France. Elle comporte deux types d'études réalisées sur le fond de tube des patients volontaires séropositifs. Le CNR réalisera un sérotypage qui permettra de suivre l'évolution des variants du virus au cours du temps. Dans 1 % des cas, il existe un bénéfice direct pour les patients, car quelques sous-types sont moins sensibles à certains antirétroviraux. Le médecin sera alors informé. La deuxième étude utilise le test dit « désensibilisé » qui permet de de différencier les contaminations récentes (moins de 6mois) et les contaminations anciennes. Le résultat est peu fiable à l'échelle individuelle, mais donne une meilleure vision de l'infection à l'échelle de la population. De plus, n'apportant aucun bénéfice direct pour le patient, il ne sera transmis ni au médecin, ni au malade. Cette étude permettra de mesurer la circulation réelle du virus en France .
Les 26 maladies à déclaration obligatoire
- Botulisme
- Brucellose
- Charbon
- Choléra
- Diphtérie
- Fièvres hémorragiques africaines
- Fièvre jaune
- Fièvre typhoïde et fièvres paratyphoïdes
- Infection aiguë symptomatique par le virus de l'hépatite B
- Infection par le VIH quel qu'en soit le stade
- Infection invasive à méningocoque
- Légionellose
- Listériose
- Orthopoxviroses, dont la variole
- Paludisme autochtone
- Paludisme d'importation dans les départements d'outre-mer
- Peste
- Poliomyélite
- Rage
- Saturnisme de l'enfant mineur
- Suspicion de maladie de Creutzfeldt-Jakob et autres encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles humaines
- Tétanos
- Toxi-infection alimentaire collective
- Tuberculose
- Tularémie
- Typhus exanthématique
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