UN DÉCÈS SUR TROIS environ est imputable à une grande maladie pulmonaire, Bpco et cancer du poumon en tête (mais aussi infections respiratoires et pathologies neuro-musculaires). Or rares sont les données disponibles sur la façon dont sont prises les décisions pour les patients en fin de vie dans les services de soins intensifs spécialisés. Si l'on possède des informations sur les patients hospitalisés pour des affections pulmonaires aiguës, on n'en dispose pas, en effet, sur les malades en phase terminale de maladies pulmonaires chroniques.
C'est ce qui a poussé la Société européenne de pneumologie (ERS, European Respiratory Society) à former un groupe de travail (Task Force) sur l'éthique et les prises de décision pour les patients en fin de vie. Dirigé par Stefano Nava (fondation Maugeri, à l'institut scientifique de Pavie, en Italie) et Anita Simonds, du Brompton Hospital à Londres, le groupe livre ses résultats dans le « Journal européen de pneumologie » de juillet.
L'euthanasie, exceptionnelle.
Dix pays européens ont participé à l'étude entre le 1er mai et le 31 octobre 2005 : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Turquie. Les responsables de 28 unités de soins intensifs ont répondu à un questionnaire très complet concernant les 6 008 patients qui y ont été admis pendant ces six mois. Une décision de fin de vie a dû être prise pour plus d'un patient sur cinq (1 292, exactement). Une proportion que l'on retrouve dans les pays du nord comme dans les pays du sud de l'Europe. L'euthanasie est exceptionnelle : un seul cas a été recensé au long de toute l'étude. Mais l'abstention thérapeutique (essentiellement par arrêt de la ventilation mécanique) est utilisée dans près d'un cas sur quatre (23 %), la consigne de ne pas intuber ni réanimer, une fois sur trois (34 %), et la limitation de la réanimation à une ventilation non invasive dans quasiment la même proportion (31 %). Les pratiques sont relativement homogènes dans l'Europe, sauf en ce qui concerne la décision de ne pas intuber ni réanimer, qui est choisie dans 40 % des cas dans les pays du Nord, mais deux fois moins dans ceux du Sud.
Qui décide ?
Les membres de la Task Force se sont également intéressés aux personnes qui sont le plus souvent impliquées dans les décisions de fin de vie. Les premiers concernés, à savoir les patients eux-mêmes, ne sont évidemment partie prenante que lorsque leur état le permet, ce qui n'arrive qu'une fois sur trois. Quant aux proches du malade, ils sont impliqués dans plus de la moitié des cas (seuls ou en concertation avec le patient). «Beaucoup plus souvent dans les pays du Sud, où la famille est en première ligne», soulignent les auteurs de l'étude.
Les infirmières, elles, sont consultées plus d'une fois sur deux (55,9 %), pratique plus répandue en Europe du Nord. Autre originalité de l'enquête, c'est la première, affirment les auteurs, à quantifier le souhait des patients en fin de vie ou de leurs proches d'avoir recours à un représentant religieux, prêtre, imam ou rabbin. «Dans environ 30% des cas, le personnel est prié d'appeler l'un de ces représentants spirituels, mais, contrairement à toute attente, cette démarche est plus répandue dans les pays du Nord que dans ceux du Sud», s'étonne Stefano Nava.
Harmoniser les directives anticipées.
En Europe, l'usage de «directives anticipées», comme le prévoit en France la loi Leonetti du 22 avril 2005, reste relativement rare. Ces dispositions rédigées en amont par les patients constituent pourtant une indication utile pour l'équipe médicale au moment de prendre la décision, cruciale et si difficile, alors que le principal intéressé ne peut plus donner son avis.
Dans l'enquête, 29,5 % des patients avaient eu cette discussion sur leurs souhaits en la matière et avaient signé un document avant d'avoir été hospitalisés. Et tous les patients considérés comme compétents pour donner leur avis (soit 36,6 % des personnes incorporées dans l'étude) avaient été directement impliqués dans la prise de décision.
Le minimum serait d'adopter en Europe un règlement commun concernant les directives anticipées, estime le directeur du groupe de travail.
* « European Respiratory Journal » (ERJ), vol. 30, n° 1.
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