LA PIÈCE est, avec « la Leçon », à l'affiche du théâtre de la Huchette, et sans discontinuer, depuis plus de cinquante-huit ans. Il y a une raison : elle est cocasse, brève, très représentative de ce que l'histoire littéraire retient comme «le théâtre de l'absurde». Cela se visite donc, comme l'existentialisme à Saint-Germain-des-Prés.
Ionesco s'était inspiré d'un manuel de conversation franco-anglaise. Phrases toutes faites traduisant à merveille l'absurdité du monde et les possibilités explosives de tout langage.
Daniel Benoin, directeur du théâtre de Nice-Centre dramatique national, plus indépendant d'esprit et de curiosité que nombre de ses collègues metteurs en scène, n'a jamais minoré Ionesco. Et il y a une trentaine d'années, il avait déjà mis en scène « la Cantatrice chauve ». Il réfléchissait aux inadéquations générales du langage, à l'envahissement du monde par le pia-pia sans signification, les paroles pour les paroles. Mais, parce qu'il a souhaité faire d'une farce féroce et brève une pièce ample, une comédie contemporaine, une critique des moeurs du jour, parce qu'il a voulu inclure la vie même de Ionesco, parce qu'il a voulu politiser aussi le propos, Daniel Benoin, paradoxalement, trahit peut-être légèrement le fond de la pièce. Il en fait autre chose. Il lui fait trop dire d'un côté, et néglige un peu le simple propos de l'écrivain lorsqu'il compose sa pochade absurde.
Résultat : un long spectacle, très beau, esthétisant, avec éblouissement du blanc et parades des comédiens. Ils sont remarquables et l'on mentirait si l'on ne soulignait pas à quel point les jeunes rient. Christine Boisson, Éva Darlan, que l'on connaît, s'en donnent à coeur joie, surjouant à qui mieux mieux, comme leurs époux dans la pièce, Paul Chariéras et Éric Prat. Frédéric de Goldfiem est le capitaine des pompiers et la très étonnante Raluca Paun est Mary, la bonne.
Faut-il aller jusqu'aux lignes de coke pour rafraîchir Ionesco ? Pas sûr. En même temps, Benoin est assez convaincant dans ses analyses. C'est difficile, le théâtre... Et Ionesco nous met tous d'accord : «Les personnages comiques, ce sont des gens qui n'existent pas.»
Théâtre Silvia-Monfort, jusqu'au 15 juin. Les mercredi et jeudi à 19 h, mardi, vendredi, samedi à 20 h 30, dimanche 16 h (01.56.08.33.88). Durée : 1 h 45 sans entracte. OEuvres complètes en Pléiade-Gallimard.
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