Au mois de mai dernier, le Dr Jean-Yves Grall était chargé par le ministre de la Santé d’un rapport sur les maisons médicales de garde (MMG). Le ministre de la Santé souhaitait en effet disposer d’une évaluation d’ensemble du dispositif avant de prendre les mesures rendues nécessaires par l’état de santé des MMG, notamment au plan financier.
De l’avis général des parties concernées, le rapport Grall, remis en juillet à Xavier Bertrand, est «équilibré, juste et complet, et va dans le bon sens» (« le Quotidien » du 20 juillet). Son auteur revient aujourd’hui sur ses méthodes de travail : «Je n’avais strictement aucune idée préconçue. J’ai rencontré les gens, mis en perspective le dispositif et les conditions dans lesquelles il a été mis en place par rapport à l’organisation globale de la permanence des soins.»
Dans la première partie de son rapport, consacrée à l’évaluation du dispositif, le Dr Grall qualifie les MMG de «solution préparant l’avenir», même si elles ne représentent «qu’une des formes de réponse à la permanence des soins ambulatoires».
Au « Quotidien », il précise cependant que «il faut homogénéiser les pratiques. Par exemple, les budgets des MMG ne sont pas toujours en rapport avec l’activité: il y a des maisons médicales qui ont des budgets très importants, alors que dans l’ouest de la France, certaines fonctionnent avec très peu de moyens».
Si bien que Jean-Yves Grall suggère l’établissement d’une sorte de cahier des charges type pour toutes les MMG à venir. «Ce cahier des charges, ajoute-t-il, permettrait de s’assurer que la MMG correspond bien à un besoin, et cela sera l’élément déclencheur du financement.» Question gros sous, précisément, le rapport Grall fait des propositions en choisissant notamment de ne plus recourir au Faqsv, considérant que le fonds d’aide à la qualité des soins de ville, essentiellement axé sur des expérimentations, est finalement peu adapté aux financements de long terme. Les responsables de MMG se plaignaient d’ailleurs depuis longtemps de ce mode de financement qui ne leur donnait aucune visibilité au-delà de l’année en cours. Le Dr Grallpropose à la place de faire fonctionner les MMG sur l’enveloppe des soins de ville, ce qui, au passage, ne ravit pas tous les syndicats médicaux, qui estiment que leur dotation n’a pas vocation à financer des missions d’intérêt général. A ces objections, le Dr Grall répond que «la PDS en MMG est une prestation de type libéral. Il ne me paraît donc pas anormal, poursuit-il, que ce soit l’enveloppe de ville qui la finance».
D’autant que l’idée de Jean-Yves Grall est d’accorder aux MMG répondant aux critères du futur cahier des charges un financement sur cinq ans, assortie d’une évaluation au bout de ces cinq années. Une proposition qui, en revanche, plaît beaucoup aux responsables de MMG.
Que financerait exactement la nouvelle enveloppe ? Jean-Yves Grall est précis : «Un prix moyen de location des locaux (calculé en tenant compte des prix pratiqués dans la région); les coûts d’investissement de trois natures –matériel médical, informatique, et mobilier; les charges de personnel aux heures d’ouverture de la PDS, ainsi qu’un défraiement pour le médecin qui s’occupe de la coordination interne de la MMG. Sans oublier quelques honoraires pour un expert-comptable.»
Autre proposition du Dr Grall : cellede confier le pilotage de la PDS aux missions régionales de santé – les MRS (1).Selon lui, «cela permettrait d’associer le secteur ambulatoire et le secteur hospitalier. Et donc de tout prendre en considération dans la définition des besoins, au lieu de procéder par segmentations. Il ne faut pas considérer une MMG de façon isolée mais en tenant compte de l’offre d’urgence dans les environs afin de déterminer, par exemple, s’il convient de laisser la maison médicale ouverte toute la nuit en semaine –une question qui se pose, vu le peu d’activité que les MMG connaissent souvent quand la PDS est bien régulée. Dans mon rapport, je dis qu’il faut être pragmatique et réaliste, et faire du sur-mesure en fonction des situations locales, à partir d’un socle suffisamment souple pour pouvoir s’adapter au terrain. Tout l’esprit de mon travail a été de dire qu’il faut mettre en place un cadre laissant la place aux adaptations locales».
Une réglementation à revoir.
Cette possibilité de moduler les horaires d’ouverture des MMG en fonction des situations de terrain nécessite avant tout une modification de la réglementation en vigueur. En effet, les MMG sont actuellement astreintes à des horaires d’ouverture extrêmement rigides et les acteurs de la PDS sont dans l’attente de la parution de décrets autorisant les préfets à la fois à élargir les horaires de la PDS aux samedis après-midi et à faire basculer l’organisation de la ville vers l’hôpital aux heures creuses de la nuit si les actes de PDS sont rares. Le décret relatif au samedi après-midi devrait paraître dans les prochains jours ; en revanche, la date de parution du deuxième texte reste pour l’instant incertaine.
Toute la question est désormais de savoir si le rapport Grall sera suivi d’effets. Au ministère de la Santé, il est en tout cas fort bien accueilli. On l’y juge «tout à fait remarquable et en lui-même très opérationnel». Xavier Bertrand souhaiterait mettre en place rapidement la concertation sur les préconisations de Jean-Yves Grall, et les mettre en oeuvre au plus tard à la fin de l’année. Le ministère cite l’exemple de la proposition de conventions pluriannuelles (qui rencontre, dit-il, «un écho favorable»), mais estime que les choses peuvent aller vite pour «la plupart des autres préconisations» du Dr Grall. L’intéressé, suit, lui son parcours sanitaire : il travaillait jusqu’à présent à l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) d’Ile-de-France ; il fait désormais partie des tout nouveaux « conseillers généraux des établissements de santé ».
(1) Les MRS existent depuis l’hiver 2005. Les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les unions régionales des caisses d’assurance-maladie (Urcam) les constituent. Elles sont dirigées alternativement, par période de un an, par le directeur de l’ARH et le directeur de l’Urcam.
198 maisons inégalement réparties
Jean-Yves Grall a comptabilisé 198 MMG en fonctionnement, installées pour les deux tiers au sein d’un établissement sanitaire ou médico-social. Il souligne dans son rapport l’inégale répartition régionale des maisons médicales, en constatant par exemple que si les MMG sont nombreuses en Paca, en Rhône-Alpes, dans le Centre, en Bretagne..., elles se comptent sur les doigts de la main dans l’Est et le Sud-Ouest. Une constante en revanche : les horaires d’ouverture, en général identiques d’une structure à l’autre.
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