La drogue se banalise, qu'il s'agisse du blanchiment de l'argent sale ou de la santé. Ici, on gagne de l'argent, investi dans des produits financiers, souvent utilisés dans l'achat d'armements pour des guerres sans nom ; là, on soigne des victimes de substances toxiques toujours plus nombreuses. Le rapport annuel 2002 de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) ne fait que confirmer la tendance au sein des Quinze et de 10 autres pays candidats à l'Union*.
Le marché des produits psychoactifs, tabac et alcool compris, aussi condamnable soit-il aux yeux du médecin, se nourrit de la détresse des populations occidentales les plus délaissées par la croissance. Les patients admis en traitement ont un taux de chômage très élevé, note l'OEDT. Dans certains pays, il atteint 55 %, et jusqu'à 66 % n'ont fréquenté que l'école primaire.
2 à 10 personnes sur 1 000
Le cannabis demeure la drogue illicite la plus communément consommée. De 10 % des adultes en Finlande à 25-30 % au Danemark et au Royaume-Uni en ont pris. En Belgique, en France, en Allemagne, en Espagne, en Irlande et aux Pays-Bas, ils sont 20 %. A titre de comparaison, aux Etats-Unis, 34 % des plus de 12 ans ont fumé au moins un joint.
Pour les autres substances, les pratiques sont moins répandues. Les amphétamines touchent entre 1 et 6 % de la population, selon les pays (11 % au Royaume-Uni). Toutefois, la cocaïne, de 0,5 à 4,5 %, et l'ecstasy deviennent un problème croissant quand elles sont combinées avec l'héroïne et l'alcool. Les drogues synthétiques constituent un sujet de préoccupation chez les jeunes qui fréquentent les discothèques et les clubs. L'usage problématique de produits psychoactifs concerne de 2 à 10 personnes pour 1 000 habitants âgés de 15 à 64 ans, voire de 6 à 8 cas pour 1 000 en Italie, au Luxembourg, au Portugal et au Royaume-Uni, contre seulement 3 en Autriche, en Allemagne et aux Pays-Bas. La prévalence du VIH chez les usagers de drogues par voie injectable varie entre 1 % environ au Royaume-Uni et 36 % en Espagne.
Polytoxicomanie, traitements réussis et prison
Enfin, chaque année, de 7 000 à 8 000 décès sont à déplorer ; bien que le nombre réel de morts soit probablement plus élevé, la mortalité est stable ou en diminution. La plupart des décès sont imputables à l'injection d'héroïne combinées à d'autres drogues.
La polytoxicomanie, de plus en plus pratiquée dans l'Union, l'OEDT souligne certains comportements plus dangereux que d'autres. Si les surdoses de benzodiazépines seules sont rares, leur association, à forte dose, avec de l'alcool ou un opiacé peut être mortelle. La polytoxicomanie, avertissent les rapporteurs, est assortie d'un risque particulièrement élevé dans la conduite automobile. En général, la prévalence de la polytoxicomanie est supérieure chez les jeunes dans les milieux festifs à celle des jeunes dans d'autres milieux. Les usagers plus âgés et ceux qui consomment à des fins récréatives sont les deux groupes les plus exposés aux risques.
Sur la prise en charge des toxicomanes, l'OEDT constate que la méthode thérapeutique axée sur l'abstinence sans traitement pharmacologique est efficace chez 30 à 50 % des patients. La maintenance à la méthadone est cependant la plus en vogue, compte tenu de ses effets positifs, tels que la réduction de la consommation de drogues illicites et la diminution des comportements à risques et de la criminalité. « Des pays considérant que ni la méthadone, ni la buprénorphine n'ont permis d'améliorer suffisamment le bien-être des toxicomanes de rue démunis », lancent des essais cliniques à l'héroïne.
En milieu carcéral, hormis la Grèce, la Suède et deux Länder allemands, la Bavière et le Bade-Wurtemberg, la substitution est pratiquée. Néanmoins, même dans les pays où un pourcentage élevé d'usagers de drogue à problème suivent un traitement à la méthadone ou au Subutex, les prisons appliquent en majorité une politique de désintoxication. Cinquante-quatre pour cent des détenus se droguent, dont 36 % ont une consommation régulière, et 26 % le font pour la première fois. Le prix des produits, précise l'OEDT, est de deux à quatre fois supérieur par rapport à l'extérieur.
Par ailleurs, fait remarquer l'Observatoire européen, les saisies importantes sur la route des Balkans et en Europe centrale attestent le rôle des 10 pays d'Europe centrale et orientale (PECO) candidats à l'adhésion à l'Union dans le transport et le stockage de l'héroïne. Leur propre consommation augmente. En Lituanie et en Estonie, le VIH se répand chez les utilisateurs par voie intraveineuse d'héroïne. Et les drogues synthétiques, exportées par l'Union européenne, gagnent en popularité. Les PECO ont donc pris des initiatives en vue d'élaborer des mesures législatives appropriées et des structures administratives de coordination. Tous ont signé et ratifié les conventions des Nations unies sur le contrôle de la drogue.
Des difficultés dans les pays de l'Est
Mais, bien que la Commission européenne et les Etats membres les soutiennent activement dans leur préparation à l'entrée dans l'Union, les PECO sont confrontés à d'énormes difficultés de la mise en uvre et de financement de mesures que l'Union européenne a mis 20 ans à appliquer.
L'OEDT déploie, depuis le 1er mars dernier, une coopération à hauteur de 2 millions d'euros (Programme Phare), en vue de faire naître des systèmes nationaux d'information sur les drogues. L'Albanie, la Bosnie Herzégovine et l'ancienne république yougoslave de Macédoine en sont aussi bénéficiaires.
* Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.
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