DEUX PHASES caractérisent l'évolution d'une cirrhose : une phase non décompensée, silencieuse cliniquement et biologiquement, puis une phase symptomatique, caractérisée par la survenue de complications. L'hémorragie par rupture de varices oesophagiennes (VO) ou gastriques, l'encéphalopathie hépatique, l' ascite, les complications pleuro-pulmonaires sont les principaux accidents évolutifs liés à l'hypertension portale
Les hémorragies par rupture de varices oesophagiennes, dont l'incidence est de 14,5 pour 100 000 habitants en France, représentent la principale cause de décès au cours de la cirrhose. La mortalité liée à un épisode hémorragique est de 30 à 50 % en l'absence de traitement.
L'évolution des techniques endoscopiques, les progrès de la pharmacopée, la mise place des shunts portosystémiques intrahépatiques (Tips) et le développement de la transplantation hépatique ont modifié la morbidité et la mortalité de l'hypertension portale, complication de la cirrhose hépatique.
Une hémorragie par rupture de VO constitue une urgence thérapeutique et nécessite une prise en charge précoce.
Devant une hémorragie digestive chez un patient atteint de cirrhose, le traitement immédiat repose sur les médicaments vaso-actifs et l'endoscopie.
Les varices ne saignent que lorsque le gradient de pression hépatique (GPH) est supérieur à 12 mm Hg. Il est bien établi que, si l'on diminue le GPH au-dessous de ce seuil, le risque de saignement est pratiquement nul.
Médicaments vasopressifs et endoscopie.
Deux types de médicaments vasoactifs sont utilisés en urgence dans cet objectif : la terlipressine, la somatostatine et ses analogues. Ils doivent être prescrits le plus tôt possible et poursuivis de 2 à 5 jours.
L'endoscopie est indispensable car elle permet d'affirmer l'origine du saignement. En effet, la rupture de varices oesophagiennes ne représente que 40 à 75 % des causes d'hémorragie chez les malades atteints de cirrhose (dans 25 % des cas, il s'agit de varices gastriques). De plus, l'endoscopie peut être thérapeutique avec deux objectifs, le contrôle du saignement et la prévention d'une récidive précoce.
L'arrêt du saignement est obtenu en première intention par ligature, préférée aujourd'hui à la sclérose. Ces traitements hémostatiques donnent des résultats comparables au traitement pharmacologique. En cas d'échec, la mise en place d'un shunt portosystémique (Tips) est justifiée. Le tamponnement par sonde à ballonnet n'est plus pratiqué, sauf en cas d'échec des traitements endoscopiques, en particulier dans les hémorragies par rupture de varices gastriques.
Le moment de réalisation de l'endoscopie dépend de l'efficacité du traitement médical :
- si l'hémorragie n'est pas contrôlée, l'endoscopie est à faire dès que les conditions de sécurité sont remplies ;
- si le malade est stable, l'endoscopie peut être différée au-delà de la sixième heure pour effectuer le geste dans les meilleures conditions.
Persistance du saignement, récidive.
La persistance de l'hémorragie ou une récidive précoce se produit dans 20 à 30 % des cas (17 % des malades dans les six semaines et 70 % à deux ans). Elle est responsable du décès de un malade sur trois.
Une nouvelle endoscopie est justifiée en vue d'un geste d'hémostase. Elle permet de contrôler 10 % d'hémorragies supplémentaires. En revanche, le changement de traitement pharmacologique ne semble pas utile.
Le Tips, en réalisant un shunt portocave, permet, comme l'anastomose portocave chirurgicale, de réduire l'hypertension portale. Mis en place par voie transjugulaire, il évite les risques majeurs de la chirurgie faite en urgence chez des malades qui ont le plus souvent une cirrhose évoluée. Il est indiqué dans les hémorragies digestives en cas d'échec des traitements médicamenteux et endoscopiques, et, dans certains cas, d'ascite réfractaire ou de syndrome hépatorénal. Son but est d'obtenir une amélioration clinique en attendant une éventuelle transplantation hépatique.
L'efficacité à moyen ou à long terme du Tips reste grevée par le taux élevé (50 % à un an) de dysfonction par thrombose ou rétrécissement de la lumière du shunt. Par rapport au traitement endoscopique, il réduit le risque hémorragique (31 % environ) sans amélioration de la survie (2 %), mais au prix d'une augmentation de l'incidence de l'encéphalopathie (16 %).
Mise en route d'un traitement préventif.
Le traitement préventif des récidives concerne tous les patients qui ont déjà saigné.
En cas d'arrêt du saignement lors de l'épisode aigu, la prise en charge ultérieure se limite à la prescription d'un traitement par bêtabloquants non cardio-sélectifs chez les patients ayant des varices à haut risque hémorragique (grade II et III), afin de diminuer la circulation splanchnique et donc l'hypertension portale, et cela quel que soit l'âge. La posologie doit être ajustée de façon à diminuer la fréquence cardiaque d'au moins 25 % (< 55 battements/min). Ce traitement permet de réduire la fréquence des récidives hémorragiques de 50 % chez les patients cirrhotiques avec hypertension portale sans qu'un facteur prédictif ait pu être mis en évidence. L'interruption du traitement est délétère, le risque hémorragique devient alors identique à celui de malades non traités. En conséquence, le traitement par bêtabloquants doit être poursuivi à vie. Les malades doivent être informés des risques encourus en cas d'interruption brutale.
L'examen endoscopique est justifié chez tous les malades atteints de cirrhose.
L'intervalle de surveillance doit être adapté en fonction du degré d'insuffisance hépatique et/ou de l'origine de la cirrhose : tous les trois ans en l'absence de VO, tous les deux ans si VO grade I, tous les ans chez les malades ayant une cirrhose alcoolique et/ou une insuffisance hépatique grave. Le risque d'hémorragie digestive dépendant aussi du degré d'insuffisance hépatique, le traitement de la maladie causale est donc primordial chez tous les malades, indépendamment de la taille des varices.
Conférence de consensus, décembre 2003 / Journées francophones de pathologie digestive ; Snfge, avril 2004,
Stratégies thérapeutiques des complications de l'hypertension portale.
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