Par le Pr ISABELLE KONÉ-PAUT*
PARMI les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), 10 % correspondent à une forme systémique ou maladie de Still. Cette forme, qui est la plus grave des AJI, débute à tout âge, avec un pic entre 2 et 4 ans, sous forme d'une fièvre prolongée, quotidienne et oscillante, qui s'accompagne d'une éruption cutanée, maculeuse, fugace du tronc et de la racine des membres. Les signes articulaires apparaissent souvent secondairement et sont très précieux pour le diagnostic qui peut parfois prendre plusieurs semaines. Le traitement est difficile, l'AJI ne répondant le plus souvent qu'aux corticoïdes à forte dose, avec une fois sur deux le développement d'une polyarthrite sévère. Les traitements de fond comme le méthotrexate et les anti-TNF peuvent aider certains patients, mais bon nombre d'entre eux demeurent corticodépendants à des doses générant des effets secondaires inacceptables (ostéoporose, retard statural et pubertaire, obésité facio-tronculaire, vergetures, hyperpilosité et autres effets métaboliques). Les effets systémiques de la maladie sont induits par l'interleukine 6, dont les pics de sécrétion sont détectés au moment des poussées thermiques. L'étude japonaise de S. Yokota, publiée récemment dans le « Lancet », a démontré l'efficacité d'un anticorps monoclonal anti-IL6 (tocilizumab), sur les manifestations systémiques et articulaires de patients atteints d'AJI corticodépendante et en échec de traitements de fond (hors biothérapies). L'efficacité systémique et l'effet articulaire ont été rapides, 15 jours, avec 68 % des patients ayant atteint un score d'amélioration de 70 % (ACR Pedi 70) et se sont maintenus pendant 48 mois. Les effets secondaires observés ont été parfois sérieux : réactions anaphylactoïdes (2 cas), hémorragie digestive (1 cas), mais le plus souvent mineurs, de type infection des voies aériennes supérieures. Une autre cytokine à activité pro-inflammatoire très puissante, l'IL-1b, est sécrétée de façon synchrone à l'IL-6. Le groupe de J. Branchereau à Dallas a démontré que le sérum de patients atteints d'AJI contient de grandes quantités d'IL-1 et peut induire la transcription d'un certain nombre de gènes de l'immunité innée, dont celui de l'interleukine 1, dans les leucocytes de sujets sains invitro. Neuf patients ont été traités par de l'anakinra (analogue d'un inhibiteur naturel de l'IL-1, l'IL-1-ra). Ils ont tous répondu favorablement sur le plan systémique et 8 sur 9 ont eu une rémission articulaire. Parallèlement, des études rétrospectives ont confirmé l'efficacité de l'anakinra chez environ la moitié des sujets atteints d'AJI avec environ 30 % de rémissions complètes, et cependant une efficacité moindre que celle observée dans la maladie de Still de l'adulte dont la présentation est souvent moins articulaire que chez l'enfant. Une étude prospective française contrôlée utilisant l'anakinra a commencé chez 24 enfants atteints d'AJI corticodépendantes. D'autres traitements par anti-IL-1 (anticorps monoclonal anti-IL-1 (ACZ885) et protéine de fusion anti-IL-1 (rilonacept) sont en cours de validation pour l'AJI.
Les formes polyarticulaires.
L'abatacept (Orencia) est le premier représentant d'une nouvelle classe thérapeutique, les modulateurs de la costimulation, bloquant un signal clé nécessaire à la totale activation des lymphocytes T. L'abatacept (ABA) a déjà été étudié dans la polyarthrite rhumatoïde de l'adulte. Une première étude ouverte a été menée chez 190 enfants ayant une AJI d'évolution polyarticulaire (début systémique, oligoarticulaire ou polyarticulaire) et résistant à au moins un traitement de fond, dont un anti-TNF. La plupart (74,2 %) ont reçu du MTX en association à l'ABA. Le nombre moyen d'articulations actives (16,2 ± 12,7 à l'inclusion) a baissé de 55,7 % en moyenne. Sur les 190 patients, 123 (64,7 %) présentaient une réponse ACR 30, 49,5 %, une réponse ACR 50, et 28,4 %, une réponse ACR 70. La réponse ACR 30 n'a pas varié selon le sous-type d'AJI (de 59 à 68). Les patients avec réponse ACR 30 (Pedi) à la fin de cette période ont été randomisés contre placebo pendant 6 mois. Ceux qui ont présenté une poussée ont pu recevoir un traitement en ouvert par ABA. Cinquante-trois pour cent des patients du groupe placebo ont eu une poussée contre 20 % de ceux sous ABA. L'ABA constitue donc une nouvelle possibilité thérapeutique dans les AJI polyarticulaires résistantes au méthotrexate et permet aussi d'améliorer des patients en échec du traitement par anti-TNF.
Traitement par anti-TNF.
L'étanercept (ETA) a reçu une AMM chez l'enfant de 4 à 17 ans pour le traitement de l'AJI polyarticulaire en cas de résistance ou d'intolérance au méthotrexate. Il est administré à la dose hebdomadaire de 0,8 mg/kg. Les données du registre allemand de 604 patients traités par étanercept montrent des taux de réponses de 70 %/63 %/45 %, respectivement, pour les ACR Pedi 30, 50 et 70 après 12 mois de traitement par ETA seul. Les taux de réponses sont significativement plus élevés quand l'ETA est utilisé en association avec le méthotrexate (p < 0,05 PedACR30, p < 0,01 PedACR 70). Cette étude rapporte pour la première fois la survenue de trois cancers, dont deux tumeurs solides et un lymphome non hodgkinien dans le groupe traité par ETA plus méthotrexate. Le patient ayant eu un lymphome avait reçu d'autres immunosuppresseurs, ce qui ne permet pas de confirmer la responsabilité de l'ETA dans la survenue de ces tumeurs. L'adalimimab (ADA) a été étudié chez 171 patients, âgés de 4 à 17 ans, atteints d'une AJI polyarticulaire, de façon prospective et randomisée contre placebo. Les réponses observées initialement ont été maintenues à 2 ans de traitement : ACR 30/50/70/90 de 94 %, 93 %, 81 % et 60 %, respectivement. Elles ont été similaires avec ou sans méthotrexate. L'adalimumab a reçu l'agrément de la FDA pour l'AJI et est en attente d'AMM en France.
* Service de pédiatrie générale, rhumatologie pédiatrique, centre de référence des maladies auto-inflammatoires, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Cartier P et coll. Revue du rhumatisme 2006 ; 10-11 : 1053
Maladies auto-inflammatoires
LES MALADIES auto-inflammatoires [MAI] héréditaires sont dues à des mutations de gènes impliqués dans la régulation de l'inflammation aiguë et de l'apoptose. Ces même gènes peuvent aussi moduler l'expression d'autres affections inflammatoires dont la cause est multifactorielle. Tous les patients atteints de MAI héréditaire ont une sécrétion excessive d'IL1b qui se traduit par des manifestations inflammatoires communes, cliniques (fièvre, sérites) et biologiques (polynucléose, élévation de la CRP et de la SAA), avec afflux de polynucléaires aux sites de l'inflammation. L'amylose secondaire est une complication évolutive grave dont la prévention est conditionnée par l'utilisation de traitements de fond efficaces. Des études ouvertes préliminaires et quelques observations utilisant l'anakinra (analogue de l'IL1-RA) ont donné des résultats encourageants pour le syndrome CINCA (chronique, infantile, neurologique, cutané et articulaire), le syndrome de déficit en TNFR et les déficits en mévalonate kinase. Récemment, le rilonacept (IL1 Trap, Arcalyst), une protéine de fusion liant l'IL1 et inhibant sa liaison à son récepteur membranaire, a obtenu l'agrément de la FDA pour le traitement des syndromes CAPS (Cryopyrin Associated Periodic Syndromes). Des essais thérapeutiques contrôlés utilisant des anticorps monoclonaux anti-IL1 de durée de vie plus longue sont en cours de réalisation pour le syndrome de Mückle-Wells et en cours de développement pour les autres MAI. Pour en savoir plus : http://asso.orpha.net/CEREMAI/
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