PAR LE Dr DOMINIQUE PIETRINI*
LE KERATOCONE est une dystrophie cornéenne caractérisée par un amincissement progressif du stroma cornéen conduisant à une déformation cornéenne source d’astigmatisme irrégulier et d’une chute parfois majeure de la vision. Sa fréquence est estimée à environ 55 pour 100 000 mais il existe de nombreuses formes quiescentes non détectées appelées kératocône fruste. Le diagnostic ophtalmologique du kératocône repose essentiellement sur l’analyse informatisée de la morphologie cornéenne (topographie cornéenne) proposée devant l’apparition d’un astigmatisme d’évolution progressive. Cet examen retrouve typiquement un bombement cornéen le plus souvent inférieur associé à un amincissement du stroma.
Le seul objectif du traitement est de restaurer la qualité optique de la cornée. Toutes les thérapeutiques ophtalmologiques médicales et chirurgicales sont mises en oeuvre pour repousser le plus possible le moment de la greffe de cornée, stade ultime du traitement. Le kératocône représente aujourd’hui le tiers de l’ensemble des greffes de cornée, c’est-à-dire une de ses principales indications.
Les formes mineures ou débutantes sont traitées par le port de lunettes (correction de l’astigmatisme), puis de lentilles de contact lorsque la correction devient insuffisante. Les lentilles rigides et leurs évolutions spectaculaires conduisant à une meilleure tolérance et à une meilleure qualité de vision permettent d’équiper durablement la majorité des kératocônes.
Initialement conçus pour corriger la myopie de façon réversible, les anneaux intracornéens ou Intacs ont aujourd’hui trouvé leur meilleure indication dans le traitement du kératocône, dont ils représentent une option chirurgicale désormais incontournable au même titre que les lentilles de contact et la greffe de la cornée. L’arrivée dans les blocs opératoires du laser femtoseconde a révolutionné cette chirurgie devenue plus simple, plus sûre et plus précise grâce à la réalisation du tunnel intrastromal. La diffusion de cette technique, encore marginale en France, pourrait retarder voire éviter, un certain nombre de greffes de cornée.
Laser femtoseconde et Intacs.
Insérés à la périphérie cornéenne, les anneaux intracornéens agissent en aplatissant la cornée centrale trop bombée du kératocône. Depuis la première implantation pour kératocône en Europe réalisée en 1997 par le Pr Joseph Colin, de très nombreux travaux internationaux ont confirmé l’intérêt de l’Intacs. Il est désormais largement établi qu’ils améliorent l’acuité visuelle sans correction et surtout la meilleure acuité visuelle corrigée par diminution de l’astigmatisme cornéen irrégulier. L’implantation entraîne également une réduction de la myopie fréquemment associée. Il en résulte une amélioration globale de la qualité de vision qui peut être complétée par le port de lunettes ou une nouvelle adaptation contactologique rendue plus aisée.
L’intérêt majeur de cette implantation est son innocuité due à l’absence d’ablation tissulaire et au respect de la cornée centrale et à sa réversibilité qui autorise une greffe de cornée ultérieure si nécessaire.
L’implantation des anneaux, autrefois techniquement délicate, en particulier pour les cornées kératoconiques, est devenue simple, sûre et rapide grâce à l’utilisation du laser femtoseconde qui réalise la dissection intrastromale et l’incision cornéenne en quelques secondes et avec une précision inégalée (de l’ordre de 10 µ). Il n’y a aucune manipulation du tissu cornéen, le seul geste chirurgical consiste à glisser les segments d’anneaux dans le tunnel intrastromal.
L’indication reine d’implantation d’Intacs est l’intolérance au port de lentilles de contact chez les patients pour qui l’équipement par verres correcteurs n’est plus envisageable. Cette implantation permet soit de rééquiper le patient en lunettes, soit de le rééquiper plus simplement en lentilles souples ou rigides. Ils permettent de retarder, voire d’éviter, la greffe et peut-être de freiner l’évolution du kératocône. Il est capital en effet de retarder le plus possible le moment de la greffe, compte tenu de l’incertitude sur le devenir du greffon à long terme.
Les nouvelles greffes de cornée.
Le kératocône est une des meilleures indications de greffe de la cornée, avec un taux de succès très élevé. Il existe toutefois un certain nombre de complications graves, en particulier le rejet (assez rare), mais aussi des complications tardives possibles, comme la récidive du kératocône et la déficience endothéliale nécessitant une nouvelle greffe plus aléatoire. Nous posons donc les indications de greffe avec parcimonie, pour retarder le plus possible cette échéance. C’est la raison pour laquelle la tendance actuelle est d’éviter les greffes transfixiantes (de pleine épaisseur) pour privilégier les greffes lamellaires antérieures, où n’est remplacée que la partie antérieure du stroma cornéen. Ces greffes décrites depuis longtemps deviennent fonctionnelles grâce aux améliorations technologiques des modes de dissection cornéenne et seront encore simplifiées dans l’avenir par l’utilisation du laser femtoseconde. Les avantages principaux de ce type de greffe sont la quasi-absence de rejet du fait de la conservation de l’endothélium du receveur et la plus grande rapidité de cicatrisation.
Différentes voies de recherche biochimiques visant à inhiber l’amincissement stromal (métalloprotéinases) ou l’amplification du « cross-linking » naturel (pontage biochimique) du collagène par irradiation par les ultraviolets (en cours d’évaluation) vont encore permettre d’améliorer le pronostic de cette maladie et le confort de vie de nos patients kératocôniques.
* Clinique de la Vision, Paris (www.cliniquevision.com).
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